Mots-clés : Documentation, Aviation, plan de dispersion
Le 1er juillet, le Ministre des Transports a confirmé : « Le concept de trajectoires groupées restera la règle »
Depuis un certain temps, certaines associations de riverains s’emploient à faire du lobbying sur le thème : « Pour rendre les nuisances aériennes plus supportables, dispersons le bruit démocratiquement sur le plus possible de populations ». Ce système est parfaitement antinomique avec celui en vigueur partout dans le monde de trajectoires concentrées. Il faut donc choisir entre ces deux concepts.
Le 1er juillet, lors d’une réunion de travail à la Communauté d’agglomérations de Yerres, ONA a pu exposer à M. le Ministre un projet de départs face à l’Est pour Orly. Nous avons notamment exposé notre doctrine : « Si une trajectoire aérienne doit exister, il faut qu’elle survole le minimum de populations et à l’altitude la plus élevée possible ». A cette occasion, et sans être sollicité, M. Gilles de ROBIEN a évoqué indirectement la thèse défendue par certains d’une dispersion des trajectoires et a déclaré sans détour que le concept habituel des trajectoires groupées resterait en vigueur. Cette déclaration venait appuyer le bons sens de notre doctrine et devrait clore le débat sur ce sujet.
On notera que si la dispersion des trajectoires pouvait se réaliser, elle aboutirait à rendre vains tous les efforts de Maires et des associations pour mesurer les niveaux sonores et obtenir que les avions respectent des survols. Les services de la Direction de l’Aviation Civile auraient beau jeu de dire que le niveau sonore par habitant étant diminué, en moyenne, il serait possible d’augmenter le trafic à nuisances égales. Par exemple, ceci permettrait de légitimer une augmentation des créneaux d’Orly, à nuisances sonores égales par riverain. Il ne serait plus possible de sanctionner les compagnies pour déviations, puisque celles-ci seraient demandées par les riverains, en accord avec leurs élus. Les Volumes de Protection de l’Environnement définis laborieusement par l’Acnusa disparaîtraient, puisque leur principe est de concentrer les trajectoires. Ces effets pervers doivent être pris en compte par les riverains.
Sur le plan technique
Chacun sait que la construction de la circulation aérienne pour gérer les atterrissages et décollages sur un aéroport international est effroyablement complexe. La sécurité des vols pour l’évitement des collisions résulte de l’organisation de trajectoires précises, conçues pour assurer la séparation verticale et horizontale des avions. Chaque avion est défini par un parallépipède dans l’espace et les contrôleurs doivent veiller à ce que ces volumes ne s’interpénètrent pas. Bien entendu, ces trajectoires ne sont pas des rails de chemin de fer pour les avions et une certaine dispersion est inévitable, due aux vitesses différentes, inclinaisons dans les virages, vent, etc.Pour les décollages : sur tous les aéroports mondiaux, les procédures de sortie après le décollage conduisent à survoler un point intermédiaire, où l’avion est livré au centre de contrôle en vol régissant le vol en croisière. Dans la conception des trajectoires, les services de la circulation aérienne s’emploient évidemment à rationaliser ces sorties, de façon les rendre les plus courtes possible (économie du vol). Dès lors, les trajectoires de sortie sont tout naturellement concentrées vers cet objectif et donc sont relativement groupées. Provoquer une dispersion artificielle serait mission impossible pour les contrôleurs aériens, qui auraient à se préoccuper des espacements avec les autres trajectoires d’arrivées ou de départ qui s’entrelacent dans les zones terminales. Imaginez l’imbroglio d’un aéroport comme Chicago qui traite 2500 vols par jour, si les avions étaient dispersés pour des raisons de bruit, comme si le travail normal de séparation anticollision n’était pas déjà une gageure de tous les jours !
Nulle part au monde donc, il n’existe de dispersion des trajectoires de départ pour des raisons de répartition du bruit, et c’est une tromperie de voir certaines associations déclarer par exemple que « ce système existe partout sauf en France, notamment à Francfort ». En réalité, les fiches pilotes de départ de cet aéroport précisent sans ambiguïté que « Les trajectoires de départ publiées sont celles des routes à bruit minimum »
Pour les atterrissages : il y a nécessité pour les contrôleurs d’approche d’aboutir à aligner les avions sur l’axe de la piste avec une séparation de 5km entre chacun d’entre eux. Pour obtenir ce résultat, il est inévitable de donner des caps différents aux avions, de façon à obtenir le résultat voulu, surtout lorsqu’ils proviennent de plusieurs flux venant d’horizons différents. C’est le cas par exemple à Orly dans les atterrissages face à l’Ouest, qui voient se conjuguer deux flux de 160 avions/jour chacun. L’un vient du Sud-Est par la balise de Melun et l’autre de l’Ouest (la fameuse trajectoire Eurocontrol). C’est ce qu’on appelle des zones de régulation radar, qui sont assez large (environ 20km), dans lesquelles on trouvera des avions un peu partout. Dans ces zones, il y a effectivement une dispersion des avions, non pas pour répartir le bruit, mais pour réaliser cette mise en espacement à 5km à la queue leu leu des avions sur l’axe d’approche. Sans être contrôleur aérien, on conçoit qu’il serait impossible de faire les deux (dispersion bruit et régulation radar d’intervalle).
Donnons par exemple la cas de Londres Heathrow : pour les atterrissages, les fiches des pilotes précisent que : « La procédure de moindre bruit en approche sera constituée d’une descente continue à la poussée minimale et avec le minimum de trainée (Volets et tr ain d’atterrissage) » C’est tout, et ces approches ne sont régies que par des problèmes d’espacement anticollision ! Durant cette descente, le contrôleur donne aux pilotes la distance de l’atterrissage, même s’ils tournent le dos au terrain, ce qui leur permet de calibrer leur descente de façon optimale. Nous avons demandé depuis deux ans que cette méthode soit appliquée en France. Sans succès pour l’instant.
Pour les atterrissages, la dispersion demandée par certaines associations est donc déjà réalisée sur les aéroports à fort trafic, par nécessité de contrôle aérien. Cette dispersion n’est évidemment pas du goût de ceux qui en « bénéficient ». Imaginons ce que seraient les plaintes des riverains, si un tel système était généralisé pour « répartir démocratiquement le bruit » !
L’aspect doctrinal
Pour l’ACNUSA : la doctrine est de savoir où se trouvent les avions, de façon à éventuellement pouvoir sanctionner ceux qui ne seraient pas au bon endroit. Ceci a débouché sur la construction de VPE (volumes de protection environnementaux), conformes à la doctrine que nous avions nous-mêmes établie en mai 2001 sur ce sujet. De facto, ce système aboutit donc à réunir les avions dans un volume. On ne peut demander à la fois que les compagnies aériennes soient sanctionnées si les avions ne sont pas au bon endroit, et dans le même temps exiger une dispersion des trajectoires. Pour les élus politiques : ils doivent prendre leurs responsabilités. Il leur appartient de choisir entre mécontenter la totalité de leurs administrés ou seulement une partie d’entre eux. Pour l’Observatoire des Nuisances Aériennes : notre doctrine n’a pas changé depuis que nous l’avons élaborée en mai 2001, lorsque nous étions au sein d’Alerte Nuisances Aériennes : « Le moins possible de personnes survolées à l’altitude la plus haute possible ». A l’évidence, cette doctrine est celle de l’intérêt général, qui ne peut évidemment satisfaire tous les intérêts particuliers.Conclusion
La dispersion des trajectoires aériennes est impraticable pour les décollages et déjà réalisée pour les atterrissages, pour des raisons de circulation aérienne et non pas pour satisfaire un concept de dispersion du bruit qui ne recueillerait certainement pas un consensus. Ce concept serait la négation de la recherche de moindres survols de zones largement urbanisées, qui seraient ainsi survolées pour ménager des agglomérations beaucoup plus petites.L’Observatoire des Nuisances Aériennes considère donc qu’une dispersion des trajectoires pour répartir le bruit irait donc à l’encontre de la préservation globale de l’environnement