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Ce commentaire est également à mettre en parallèle avec l'article du Soir sur DHL (publié également aujourd'hui).
L'équipe de Trop de Bruit.
Monsieur le Rédacteur en Chef,
concerne : l’article « Rentrée à hauts risques pour nos aéroports »
Dans son édition du 5 août, votre journal a pris l’initiative de publier un article de synthèse à propos de la politique aérienne poursuivie par la Belgique fédérale.
Comme lecteur de votre journal, je ne puis que me réjouir de cette tentative d’aller au-delà de la simple reprise des communiqués qui inondent la presse depuis plusieurs mois, sans tracer la moindre perspective.
À propos de l’aéroport fédéral et de DHL, je voudrais cependant attirer votre attention sur un certain nombre d’informations unilatérales, non recoupées, dont l’origine devrait inviter à la prudence. Cela me semble d’autant plus important que le ton et les conclusions de l’article auraient pu s’en trouver modifiés.
Si la présence et le développement de DHL contribuent incontestablement à l’amélioration des bénéfices de la société BIAC, aucune étude coûts/bénéfices n‘a démontré que cette activité bénéficie à l’économie du pays. L’étude du prof. Annemans (1) et son actualisation par l’ancien ministre de l’Environnement Didier Gosuin (2) établissent clairement les coûts imputés à la collectivité en termes de mortalité, de santé et de sécurité sociale. Lorsque la société BIAC sera privatisée, en fin de l’année, ses bénéfices iront principalement à la société étrangère qui sera retenue pour l‘acquisition de ses parts.
Si la Belgique - densément peuplée - a pour objectif de devenir un grand hub européen de fret de nuit, ce n’est certainement pas en l’installant à Zaventem, à moins de 2 Km d’une ville d’un million d’habitants et d’un Brabant flamand de plus en plus urbanisé, qu’elle peut espérer y parvenir. Orly, Genève, Charleroi… et bientôt Francfort, ont mis fin à leurs vols de nuit pour les mêmes raisons et Munich et Oslo ont délocalisé leur aéroport pour pouvoir y voler la nuit.
DHL ne demande pas de passer de 25.000 à 32.000 vols de nuit, mais demande carte blanche pour doubler ses activités de nuit sans contraintes. En effet, DHL ne comptabilise actuellement « que » 16.000 vols de nuit et demande à pouvoir passer à 34.000. Cela représente plus qu’un doublement de trafic, plus de 95 vols chaque nuit, entre 23h et 06h, soit un vol toutes les 4 minutes pour ce seul opérateur. DHL, qui n’est autre que Deutsche Post, espère toujours développer à Zaventem un trafic de nuit qu’elle ne peut se permettre à Francfort ou à Cologne.
Lorsque l’on habite près d’une gare, on s’attend à entendre passer des trains, mais lorsqu’on habite à Laeken, à 9 Km de l’aéroport, et que l’on n’a jamais entendu passer un avion à basse altitude, on n’accepte pas être brusquement réveillé chaque nuit. C’est la politique de dispersion des vols au-dessus de zones densément peuplées de Verhofstadt II qui a multiplié le nombre des plaintes. Mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est notamment parce que 89% des décollages s’effectuaient inutilement au-dessus de la région de Bruxelles que le gouvernement Verhofstat I avait opté pour une politique de concentration des vols. C’est sa mise en œuvre maladroite et une volonté politique d’affaiblir Ecolo, qui l’ont fait capoter. Etablir les routes aériennes au-dessus des zones les moins densément peuplées, en proposant l’expropriation aux victimes de ce choix, demeure toujours la seule option réaliste pour le maintien de l’aéroport urbain de Zaventem.
Les avions « silencieux » n’existent pas et ceux qui traversent Bruxelles la nuit par la route Onkelinx ont le Quota Count le plus bas, ce qui ne les empêche pas de réveiller des milliers de personnes. L’état de l’appareil, son âge, son chargement, le gradient de montée, la portance de l’air, sont autant d’éléments qui conditionnent le bruit émis. Il faut aussi se méfier des moyennes de bruit, personne n’est réveillé par une moyenne, mais bien par les « pics » de bruit. Un quota de bruit annuel est une meilleure solution que la limitation du nombre de vols, mais n’est cependant pas en mesure de garantir le droit au sommeil des habitants de Bruxelles et de sa périphérie.
Le chantage à l’emploi est très habile, mais ne résiste pas à l’analyse. DHL est le principal opérateur de courrier express en Belgique et il ne va pas abandonner ses clients à la concurrence. Quelle que soit la décision du gouvernement, DHL restera en Belgique et sa flotte de camionnettes continuera à sillonner nos routes. C’est l’activité de plateforme d’échange européenne (super hub) qui est susceptible de quitter Zaventem. C’est elle qui exige le doublement des vols de nuit, mais c’est aussi elle qui sera très largement automatisée, dans les 5 prochaines années, afin de réduire les coûts et donc les postes de travail. On parle beaucoup des emplois créés par DHL, mais fort peu de ceux que leur activité de « just in time » contribue à supprimer dans le secteur des pièces de rechange ou dans le secteur de la mode, ou elle a contribué à détruire l’industrie textile belge. On parle aussi très peu des emplois à temps partiel qui sont créés chez DHL au détriment d’emplois fixes à la Poste et au secteur marchandises de la SNCB. Quant à la région de Bruxelles, qui bénéficie de 5% de l’emploi chez DHL, elle n’aura aucune peine à exiger la fin progressive des vols de nuit. Il n’en ira pas de même pour la région flamande, qui est la principale bénéficiaire de ces activités, mais qui exige, par contre, la répartition « équitable » des nuisances entre Bruxelles et la Flandre.
La « chance unique » de devenir le plus grand hub européen de vols de nuit a été refusée par Cologne, par Strasbourg, par Francfort… et même Bierset est très réticent. C’est en refusant la « poubellisation » de son économie et en protégeant le droit essentiel au sommeil de ses citoyens que la Belgique a une chance unique d’améliorer son image et de maintenir l’habitabilité de sa capitale et de celle de l’Europe. Les usines d’amiante , les mines et les cigarettiers fournissaient aussi de l’emploi, cela n’a pas empêché le pouvoir politique de les fermer ou d’en limiter les activités. Lorsque le maire d’Amiens est devenu le ministre des Transports du gouvernement Raffarin, sa première décision a été d’annuler l’implantation du 3ème aéroport parisien prévue à Chaulnes, à proximité de sa ville. Les retombées économiques ne seraient-elles plus le seul élément à prendre en compte ?
Les choix à opérer relèvent effectivement du seul pouvoir politique. La Cour de Cassation l’a encore rappelé récemment, en cassant le jugement de la Cour d’Appel, qui imposait à l’Etat fédéral la dispersion des vols de Zaventem, sous peine d’astreintes. C’est bien au pouvoir politique qu’il revient de défendre l’intérêt général des citoyens contre les excès du pouvoir économique. C’est à lui aussi de mener une politique d’aménagement du territoire qui permette de leur garantir un environnement sain et le droit essentiel au sommeil. L’approche des élections de 2003, et puis de 2004, a ôté tout courage à nos hommes politiques, plus soucieux de la stabilité gouvernementale que de l’intérêt des citoyens. Contrairement à ce d’aucuns affirment, il ne s’agit pas d’un problème entre communautés, mais bien d’un problème entre régions. Francophones et néerlandophones de Bruxelles veulent l’interdiction des vols de nuit, la région flamande est pour leur maintien, voir leur développement et les Wallons n’en ont cure, tant que les vols de nuit restent à Zaventem et ne les survolent pas.
En vous remerciant pour l’intérêt que votre journal a toujours manifesté pour cette problématique, je vous prie de croire, Monsieur le Rédacteur en Chef, en mes sincères salutations.
Y Vandenbergh Bruxelles Air Libre
et les Wallons n’en ont cure, tant que les vols de nuit restent à Zaventem et
ne les survolent pas.
Les Wallons sont aussi survolés par les vols de nuit et de jour de Zaventem.
Et ils s'en plaignent mais personne ne les entend.
L'équipe de Trop de Bruit.