Mots-clés : Transport et mobilité
[L'ASBL Trop de Bruit en Brabant wallon apporte son soutien total à cette proposition]
La loi de 1841 qui régit les chemins et les sentiers vicinaux stipule en son article 12 que ceux-ci sont imprescriptibles « …aussi longtemps qu’ils servent à l’usage public ». Ceci les rend, a contrario, prescriptibles en cas de non-usage. Cette prescriptibilité constitue une exception en matière de protection des biens publics. Par deux fois, en 1994 et 2004, la cour de cassation a recadré la portée de cet article en précisant qu’un passage même occasionnel suffit à empêcher la prescription et qu’il revient à celui qui désire s’emparer d’un chemin ou d’un sentier public de prouver que nul n’y est passé depuis trente ans. Produire une telle preuve relève du « diabolique » (dixit le professeur Déom de l’UCL, devenue depuis Conseiller d’Etat).
Forts de cette mise au point, les défenseurs des chemins et sentiers ont cru ce petit patrimoine public enfin bien protégé. Malheureusement, malgré cette jurisprudence, quelques cas malheureux de prescriptions de chemins et sentiers ont encore eu lieu ! Comment cela est-il possible ? Tout simplement parce que la procédure applicable pour faire constater l’abandon d’un chemin ou d’un sentier vicinal se déroule devant le juge de paix au moyen d’une citation du collège communal par le candidat acquéreur. Si la commune, le plus souvent par souci d’économie, ne se fait pas aider d’un avocat, la jurisprudence n’est pas toujours prise en compte… De plus, les utilisateurs ne sont pas informés qu’une procédure de suppression est en cours et n’ont donc pas l’occasion de signaler qu’ils ont usage de la voie en question !
Rappelons ici que la loi de 1841 prévoit en d’autres articles (art. 27 et 28) une procédure détaillée qui permet : l’ouverture, la fermeture et le déplacement des chemins vicinaux. Cette procédure comporte une enquête publique et laisse au pouvoir communal, représentant élu par les habitants, le choix de sa position. Cette procédure permet donc d’effectuer des modifications sans devoir recourir aux avocats pour défendre le bien public !
Pour éviter les cas malheureux de disparition du bien public (dans la très grande majorité des cas, au profit de privés nantis appuyés par leurs avocats), les associations de défense des chemins et sentiers publics (Sentiers.be, Itinéraires Wallonie, le Réseau de la forêt, la Fédération Francophone d’Equitation et les Sentiers de Grandes Randonnée) se sont mobilisées et ont sensibilisé les représentants politiques pour que l’article de loi qui rend les voies vicinales prescriptibles soit modifié ! Dans le cadre de cette démarche, qui profitera à tous les citoyens, nous avons sollicité et reçu le soutien de représentants d’utilisateurs des chemins tels que : Les Scouts, les Cyclistes au Quotidien (GRACQ), la Fédération Francophone Belge des Marches Populaires (FFBMP). En début d’année, nous avons écrit au nom de ces diverses associations aux ministres concernés par cette matière. Ce courrier comportait bien évidemment un argumentaire détaillé, nous vous invitons à le parcourir.
Nous avons alors rencontré des parlementaires des différents partis politiques, afin qu’ils déposent une proposition de décret. Aujourd’hui, c’est chose faite, la proposition est portée par des parlementaires des quatre partis : Ecolo, PS, CdH et MR ! Signe incontestable de l’adhésion de la majorité à ce changement…
On note, en effet, ces dernières années un regain d’intérêt de plus en plus marqué d’un public toujours plus large pour les chemins et sentiers publics (les associations susnommées représentent des dizaines de milliers de personnes en Wallonie). Le succès des marches ADEPS en est un très bel exemple. La nécessité de préserver un réseau de petites voies publiques tant pour les loisirs doux que pour les déplacements quotidiens ou encore pour la préservation d’un maillage écologique en faveur de la biodiversité apparaît aujourd’hui comme une préoccupation de nombreux wallons. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à s’investir dans des « groupes sentiers » qui fleurissent un peu partout en Wallonie, notamment au sein des PCDR [1] et PCDN [2].
La Belgique possède un magnifique patrimoine de chemins et sentiers vicinaux qui sillonnent le pays en tous sens. Il est donc tout à fait souhaitable de protéger durablement ce réseau complet de petites voies idéales pour la circulation des usagers doux (et agricoles) loin du bruit, de la pollution et de l’insécurité du trafic automobile. Les parlementaires que nous avons rencontrés l’ont bien compris… Gageons maintenant que tous se rallient à la cause, préservent l’intérêt général, et rendent les chemins et sentiers vicinaux imprescriptibles comme l’ensemble des autres biens publics !
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- Pour en savoir plus : concernant la prescription, son origine et ses défauts, nous vous conseillons de lire aussi l’article très bien développé d’Yves Pirlet : Plaidoyer pour l’imprescriptibilité inconditionnelle de la voirie vicinale.
- Dernière minute : la proposition recueille également le soutien de l’Union des Villes et Communes de Wallonie (UCVW).