Pourquoi s'intéresser au bruit?
Parce ce que le bruit a une valeur symbolique, exemplative du monde tel que nous le vivons : trépidant, stressant, envahissant, fatigant, pollué et polluant.
Le bruit n'est en rien innocent. Il est responsable de troubles de santé, de problèmes de société. Mais le bruit, ce n'est pas que cela. Quand il y a quelques années, les groupes de citoyens se sont intéressés au bruit des avions, ils n'avaient conscience que de la partie émergée de l'iceberg: les nuisances sonores. Mais se confronter au bruit, c'est se confronter au système de développement, à la manière de fonctionner de nos sociétés.
On ne peut pas s'attaquer au bruit sans remettre en question tout ou partie de certaines activités économiques. On ne peut pas s'attaquer au bruit en faisant l'impasse sur les autres nuisances créées par ces activités. S'attaquer au bruit, c'est par exemple, s'attaquer aux vols de nuit. Mais s'attaquer aux vols de nuit, c'est remettre en question leur utilité, leur raison d'être. Il ne faut pas être clerc pour constater que ce qui est transporté la nuit n'a plus de caractère urgent : les essieux de camion, les pièces d'ordinateur, voire les fruits et légumes, peuvent, s'ils doivent être vraiment transportés par avion, voyager de jour. S'attaquer aux vols de nuit, c'est s'interroger sur le besoin d'importer de la viande d'Argentine ou des haricots du Kenya. S'attaquer aux vols de nuit, c'est s'interroger sur la pertinence de la détaxation du kérosène. S'attaquer aux vols de nuit, c'est mettre en avant les dégâts provoqués par les gaz à effet de serre produits à haute altitude (multiplicateur de 2 à 4), amplifiés par le caractère nocturne de ces émissions. S'attaquer aux vols de nuit, c'est aussi s'interroger sur nos manières de faire, de consommer, parce que ce trafic est favorisé par nos exigences de consommateur ou notre laxisme de citoyen.
C'est ainsi que notre association, Trop de Bruit en Brabant wallon, a abordé le bruit des avions, en le replaçant dans son contexte : celui de l'aviation et de son impact sur l'environnement.
Nous avons été interrogés, depuis la naissance de notre groupement et la création de ce site, sur les actions que nous pourrions mener sur d'autres formes de nuisances sonores : routes bruyantes, défilés incessants de quads ou passages à basse altitude de tondeuses à gazon volantes par exemple. A ce sujet, il est paradoxal d'interdire la tonte des pelouses le dimanche et d'autoriser le passage de ces parachutes motorisés. (Voir notre dossier ULM).
Un des points qui ont retenu notre attention est le bruit lié à la circulation automobile et ses corollaires : développement de liaison autoroutières inutiles, contournements superflus, infrastructures déficientes auxquelles l'on n'apporte pas remède par des murs antibruit par exemple, circulation en augmentation, vitesse excessive, développement urbanistique, etc.
En collaboration avec d'autres associations, Trop de Bruit en Brabant wallon a donc décidé de s'investir dans ce dossier, comme il l'a fait dans celui des nuisances aériennes : en informant et en dialoguant, replaçant la circulation automobile dans son contexte.
On peut en effet se demander si le fait de se concentrer sur le bruit est la bonne méthode.
Soyons concret, interdire le bruit des tondeuses est utile, mais il n'y a aucune réglementation contre les ULMs ni les 747 dans le grand tour, et encore moins pour les quads et les trials chinois au silencieux symbolique.
En d'autres termes, et c'est mon vécu, nous avons perdu le calme en quelques années. Il y a dix ans, il était normal de passer un dimanche calme; de même en semaine, pendant le lunch et en milieu d'après-midi, il y avait des plages sans bruit notable qui permettait une relaxation; je travaillais alors fenêtres grand ouvertes. Aujourd'hui tout est perdu: la circulation automobile, les avions, les motorettes, les ULMs, la généralisation du jardinage motorisé font que nous baignons, dimanche compris, dans un bruit permanent. Il n'y a JAMAIS plus de dix minutes sans qu'un bruit dérangeant conduise à fermer la fenêtre pour pouvoir se concentrer sur son activité.
Sans compter que le règlement communal des tondeuses est de plus en plus ignoré. Alors que pendant ces dix ans, je n'étais intervenu qu'une fois (quelqu'un qui aérait son garage pendant un ponçage), j'ai été amené à me plaindre plusieurs fois cet été: karsher, travail au noir, tronçonneuses et autres souffleurs de feuilles amènent toujours la même excuse malhonnête et égoïste: "c'est vrai qu'on ne devrait pas mais j'ai pas le temps un autre jour!". Cela signifie que la notion même du calme indispensable est en train de disparaître de la tête des gens.
De plus, je suis pas dans un "mauvais" quartier: allez randonner un peu partout dans le Brabant Wallon et vous ne trouverez presque plus d'endroits vraiment calmes, alors qu'il y a dix ans, la randonnée du dimanche était presque TOUJOURS calme. Je me souvient UNE fois d'une ballade avec baptêmes d'hélicos qui m'avait scandalisé, par contraste à ce dont je bénéficiais chaque dimanche. Aujourd'hui, une fois sur deux, c'est le même topo mais avec plus de variété: avions, tondeuses, quads, etc.
Je pense qu'une approche possible, c'est de remettre en avant cette notion de calme. Les règlements communaux pourraient très facilement être adapté en ce sens. L'interprétation de règlements axés sur le bruit seraient alors plus difficile. On pourrait alors intervenir contre un ULM qui stationne au-dessus de votre village pendant une heure ou n'importe quoi qui rompt le calme même une nuisance encore à inventer. Si on doit vivre avec un plan de dispersion, pourquoi ne pas bénéficier de plages tournantes de calme TOTALEMENT sans avion plutôt que des instructions de décollage facilement manipulables (et difficile à contrôler).
Les bourgmestres peuvent sans problème édicter un règlement de calme, qui pourrait être d'ailleurs être nuancé quartier par quartier! L'appliquer est une autre histoire, mais cela serait un point d'appui pour s'attaquer au problème. Ainsi un bourgmestre pourrait exiger une barrière antibruit pour satisfaire au règlement communal! Et si un ministre démissionnaire au CV plus que douteux peut édicter des instructions insanes qui brouille ce calme malgré des décisions de justice, un bourgmestre et son conseil communal devrait pouvoir agir cette fois dans le (et avec) bon sens.
La société moderne ne permet plus de vivre dans le calme en permanence, cela est indiscutable, mais il devrait, il doit être possible de se réserver quelque temps pendant lequel le calme est retrouvé et en bénéficier pour le plus grand profit de sa santé. De plus, il est à craindre que le phénomène de perte de calme s'amplifie et que les gens de plus en plus résignés ou assourdis, acceptent des niveaux de bruit de plus en plus élevés!
Notre société post-industrielle a certes d'autres défis mais peu concernent directement, quotidiennement un tel grand nombre de gens.