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Avertissement

L'asbl EPURES continue son parcours comme association environnementale.
Vous pouvez la retrouver sur son site et sur sa page Facebook.
Nous laissons ce site ouvert comme archives particulièrement sur le dossier des nuisances aériennes.

Nuisances aériennes
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Noël en famille ou 15 litres de pétrole…

Par Cherche l'info • Avions: actualité, bruit et pollution • Mercredi 31/01/2007 • 0 commentaires • Version imprimable

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La place du climatique dans les médias, dans les préoccupations des citoyens et dans le débat est sans cesse croissante, tout comme l’est la concentration en dioxyde de carbone () dans l’atmosphère.

La semaine précédant Noël, j’ai décortiqué les publicités de mon hypermarché le plus proche pour préparer le repas familial tant attendu. Et voici ce que j’ai pu concocter pour huit personnes avec, entre parenthèses, les kilomètres parcourus entre le pays de production et la Belgique ainsi que les kilogrammes de émis uniquement pour le transport aérien intercontinental de ces produits achetés. L’analyse se focalise sur le transport par voie aérienne puisque celui-ci émet, en moyenne, 60 fois plus de que le transport par voie maritime.

D’abord, pour faire joli, je fais trôner un magnifique bouquet de vingt roses au centre de la table des grands jours. La provenance de ces magnifiques fleurs est kényane et le mode de transport est aérien (6.550 km, 5,2 kg de ).

Le décorum bien planté, commençons donc par un velouté d’asperges aux langoustines. Le légume vert nous vient directement du Pérou par avion (10.500 km, 12,5 kg de ) et les langoustines ont été acheminées, une fois décortiquées et congelées, par bateau depuis l’Indonésie (14.000 km). Remarquez que, du point de vue des émissions de , il est encore préférable d’acheter des langoustines élevées en Asie du Sud-Est plutôt que ce même crustacé pêché en Ecosse – quel paradoxe ! En effet, ce dernier, une fois attrapé dans les eaux européennes, va faire un périple extraordinaire par bateau jusqu’en Thaïlande d’où, une fois décortiqué, il retournera sur le marché européen (22.000 km). Une délocalisation due au fait que je préfère, en cette veille de Noël tout comme les 364 autres jours de l’année, acheter des crustacés décortiqués. Et comme 70% des consommateurs ont opté pour ce gain de temps…

Après deux bonnes bouteilles de Sauvignon blanc chilien (11.900 km) à la robe jaune pâle, nous attaquons le plat de consistance. Bien décidé à offrir un mets exotique à mes chers convives, j'ai longtemps hésité entre le springbok - cette belle antilope - de Namibie (8.300 km), le kangourou australien (16.700 km), l’autruche d’Afrique du Sud (8.900 km), la biche de Nouvelle-Zélande (18.700 km) et le bison canadien (5.600 km). Un peu perdu, je me suis finalement engagé à faire un simple steak-frites-salade bien de chez nous. Sous le titre peut-être rigolo «on en a pour son argentin», mon hypermarché m’offre un steak de boeuf argentin venu par avion (11.300 km, 14,5 kg de ) à un prix 30% inférieur au Blanc-Bleu-Belge… Comment résister ? Pour les frites faites maison, j’achète des pommes de terres labellisées «bio» qui viennent du Sud de la France par camion. Quant à la salade, elle vient d’Espagne. Alors, l’espace d’un instant, je m’interroge… Pourquoi dit-on que c’est le plat traditionnel belge par excellence ? Mais ce questionnement futile se dissipe rapidement car je dois vite ouvrir les bouteilles de Cabernet Sauvignon californien (8.900 km), une vraie merveille dont l’attaque en bouche est ronde et corsée.

Et c’est mon épouse qui se charge du dessert tant attendu. Une salade de fruits réalisée exclusivement avec les fruits frais en promotion trouvés au magasin. Tenez-vous bien, il s’agit de poires nashi de Corée du Sud, de mangues, papayes, figues et melons charentais du Brésil, de fruits de la passion de Colombie, de grenades des Etats-Unis, de fraises d'Israël, d’ananas d'Amérique Centrale, de cerises d'Argentine et de caramboles de Malaisie. Nous décidons d’y ajouter deux kiwis de Nouvelle-Zélande, une orange d’Afrique du Sud et une pomme belge pour que tous les continents soient représentés dans le même récipient. Evidemment, alors que nous approchons des douze coups de minuit, qu’il fait toujours 10°C dehors et que mon fils de trois ans me répète que ce n’est pas Noël puisqu’il n’y a pas encore eu de neige, un tel dessert a un coût : une distance cumulée de 126.000 kilomètres et une facture approximative de 9 kg de émis. Là-dessus, je débouche une bouteille de mousseux blanc de Tasmanie, une île au sud de l’Australie (17.100 km).

In fine, fleurs et vins compris, la distance totale parcourue par tous ces produits est de 209.000 kilomètres, plus de cinq tours du monde, avec les émissions de 41,3 kg de . Cela équivaut aux émissions de d’un véhicule ordinaire parcourant la distance de 258 kilomètres, soit approximativement 15 litres d’essence pour moins de six kilogrammes de nourriture !
Pourtant, avec un joli bouquet de houx au centre de la table, une délicieuse soupe au potiron en entrée, suivie du même steak-frites-salade à base de produits locaux, une salade de fruits sans fraises, cerises … venues par avion et des vins français nous permettraient de diminuer de plus de 80% les émissions de dues au transport.

Veiller à ce que nous mettons dans notre assiette fait partie des multiples petits actes citoyens que nous pouvons poser pour diminuer notre empreinte écologique. Le transport de marchandises par voie aérienne était de 2 milliards de tonnes-kilomètres transportées en 1960. En 2006, ce chiffre est passé à 150 milliards. Et la part des émissions de due aux transports aériens s’accroît chaque année.

Un supermarché scande «Vivez comme vous voulez», un autre clame «Et tout devient possible». Nous en sommes intimement convaincus. Et si nous, consommateurs, n’achetons plus de cerises d’Argentine, de fraises d’Israël ou de myrtilles du Chili en hiver, ils n’en proposeront plus. Ensemble, nous pouvons forcer le changement. Et tout cela sans réellement perdre de notre confortable qualité de vie.

Mais pour que le consommateur s’y retrouve, il faut l’aider à faire son choix en connaissance de cause. Nous en appelons donc au pour qu’il légifère en la matière et impose aux distributeurs l’application de logos (un avion rouge et un bateau bleu, par exemple) indiquant systématiquement et clairement le mode de transport utilisé pour le transport intercontinental de ces marchandises.

Pierre Ozer , chargé de recherche au Département des Sciences et Gestion de l’Environnement, Université de Liège
Dominique Perrin, chercheur à la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux