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Nuisances aériennes
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Les clefs d'un échec prévisible

Par Cherche l'info • Avions: actualité, bruit et pollution • Vendredi 22/10/2004 • 0 commentaires • Version imprimable

UN ARTICLE DE WILLIAM BOURTON publié sur lesoir.be

A suivre au jour le jour les péripéties d'un dossier “ long-courrier ” comme celui de l'extension de DHL à Bruxelles-National, on en arrive à manquer de recul, de perspective, pour appréhender correctement la problématique. Tentons dès lors de répondre à quelques questions “ basiques ”.

1. Pourquoi a-t-on décidé de faire de Bruxelles-National un méga-aéroport ?

Finalement, c'est la question fondamentale ! Intrinsèquement, Bruxelles-National est mal situé : à moins d'une dizaine de kilomètres à l'est de la grand-place d'une ville d'un million d'âmes.

Considérant les vents dominants et le fait qu'un avion doit décoller face au vent, la plupart des appareils partent vers des zones très densément peuplées.

Ce sont les Allemands qui décidèrent, en 1943, d'installer une piste longue, aux confins de Melsbroek et de Zaventem. L'aéroport fut développé à l'occasion de l'Expo 58, alors que s'annonçait déjà l'utilisation massive d'avions à réaction. Mais le tournant de l'histoire se situe en 1989. En pleine connaissance de cause - la démocratisation des voyages aériens et le développement du transport de colis “ just in time ” étaient une réalité -, les autorités politiques de l'époque (au premier chef, l'ex-CVP Jean-Luc Dehaene) encouragèrent l'investissement de 25 milliards d'anciens francs afin de multiplier par trois le trafic de Bruxelles-National et de faire de l'aéroport un pôle de développement économique majeur. Un pôle “ flamand ” ? C'est une accusation récurrente dans les milieux francophones. De fait, la plupart des emplois à Zaventem sont flamands.

Depuis quelques années, la conjoncture économique a changé du tout au tout. L'aéroport se retrouve en surcapacité. L'idée de voir DHL s'étendre fut donc accueillie avec entrain du côté de Biac, le gestionnaire des lieux - même si, en termes de redevances, le transport de fret est nettement moins “ intéressant ” que le transport “ passagers ”.

2. Pourquoi DHL a-t-elle voulu se développer à tout prix à Zaventem ?

D'abord parce qu'elle y avait consenti d'importants investissements. En quelques années, elle a complètement renouvelé sa flotte : les avions à hélices (Focker et Convair) ont cédé leur place à des Airbus A300 et les Boeing 727 à des 757. Entre 1999 et 2003, plus d'un milliard d'euros ont ainsi été investis.

Et puis Bruxelles-National est d'excellent rapport qualité/prix. Qui plus est, il semble que DHL bénéficiait d'un contrat assez avantageux - malgré ses demandes répétées, l'ex-ministre de la Mobilité, Isabelle Durant (Écolo), n'est jamais parvenue à en avoir copie...

Enfin, en termes stratégiques, Bruxelles-National est idéalement situé : au coeur de l'Europe, à un coup d'aile des institutions européennes et internationales et en bordure d'un réseau autoroutier parmi les plus denses d'Europe.

3. Le gouvernement fédéral a-t-il bien géré le dossier DHL ?

Deux ministres fédéraux sont clairement sur la sellette : Johan Vande Lanotte (SP.A) et Guy Verhofstadt (VLD).

En janvier 2004, lors du conseil des ministres de Petit Leez, il fut décidé que la demande d'extension de DHL serait instruite par Steve Dubois, ex-cabinetard CVP. Sa mission : débroussailler le terrain, écouter tous les protagonistes et faire rapport au gouvernement. L'homme est aujourd'hui l'objet de toutes les critiques.

Durant l'été 2004, Johan Vande Lanotte, en charge des Entreprises publiques, entama un dialogue personnel avec Biac et DHL. Mais, en bout de course, il est apparu que les informations recueillies ne correspondaient pas avec les desiderata de DHL. Parce que Vande Lanotte avait mal compris, ou n'avait pas vérifié ? Ou parce que la direction belge de DHL modifiait ses exigences au gré des instructions de sa maison mère allemande ? Les réponses sont radicalement différentes selon qu'on pose la question dans l'un ou l'autre camp !

Le Premier ministre, quant à lui, ne s'est impliqué qu'assez tard : en août. Sa première note de travail (rédigée en Toscane), soumise aux Régions à la rentrée politique, était mal ficelée et par trop “ mono-économique ”. Le 21 septembre, son obstination à vouloir négocier au finish, sur base de ce piètre document, avec Bruxelles et la Flandre s'est révélée désastreuse.

4. Fallait-il associer les Régions ?

DHL a imposé au fédéral de passer par un accord de coopération, afin de se prémunir de recours en justice par les entités fédérées.

Stricto sensu, le gouvernement fédéral est arrivé à dégager un consensus en son sein, la fameuse nuit du 21 septembre - ce qui sauva la tête de Verhofstadt. Mais Bruxelles et, surtout, la Flandre n'en voulurent pas.

Dans un premier temps, le CD&V Leterme n'a rien fait pour faciliter la vie du VLD Verhofstadt. Pas plus qu'Écolo et le CDH bruxellois d'ailleurs... ni même que le SP.A, membre de la coalition fédérale, aux positionnements pour le moins ambigus !

Mais, alors que tout portait à croire que le dossier allait se transformer en champ de bataille politique (VLD contre SP.A et CD&V) et communautaire (Flandre contre Bruxelles), une sorte de paix des braves fut implicitement signée : la faute étant rejetée sur DHL, présentée comme une sorte “ d'État dans l'État ”, aux exigences insupportables...

5. Y avait-il une solution ?

Sans le plan de dispersion des vols, peut-être. Il aurait fallu, à tout le moins, modifier sérieusement celui-ci avant de discuter de l'extension de DHL.

Si les nuisances sonores avaient pu être quelque peu circonscrites au-dessus d'une partie du territoire (la moins densément peuplée), il aurait peut-être été envisageable d'investir massivement dans l'isolation, voire le rachat des habitations les plus survolées. L'idée figurait d'ailleurs dans le plan de route du gouvernement arc-en-ciel.

L'optique de l'équipe violette (des nuisances pour tout le monde) a rendu toute velléité d'isolation financièrement impensable. L'ex-ministre de la Mobilité Bert Anciaux, aujourd'hui en charge de la Culture flamande, très influent au sein du cartel SP.A-Spirit, refusa que l'on touche à “ son ” plan de dispersion. Dès lors, la messe était dite.

6. Est-ce la fin des insomnies pour les riverains ?

Non. Trois éléments de réponse. Un : DHL ne délocalisera (partiellement) qu'en 2008. Deux : le plan Anciaux demeure. Trois : Bruxelles-National reste un aéroport ouvert la nuit. Une ou plusieurs compagnies de courrier express se porteront-elles candidates pour utiliser les “ slots ” (créneaux horaires) abandonnés par DHL ? Disposeront-elles d'une flotte aussi moderne que celle du transporteur allemand ? Mystère.