Un article publié sur lesoir.be
Un grossiste en crevettes à la mer du Nord qui envoie le matin même de la pêche au Maroc les crustacés pour épluchage et qui les réexpédie le soir même en Belgique. L'histoire est connue et illustre à elle seule la facilité avec laquelle des activités peuvent être délocalisées.
Dans l'esprit du public, délocaliser est souvent synonyme de brutalité sociale. Du côté de certains patrons, le mot sert d'épouvantail dans le cadre d'une négociation sociale. Et pourtant, le débat sur la délocalisation mérite mieux que ça : bien d'autres critères que le coût entre en compte dans le choix du déplacement d'une activité. Et les raisons de rester sont au moins aussi nombreuses que celles de s'en aller. Pour y voir plus clair, voyons comment fonctionne une délocalisation. Pourquoi une entreprise décide-t-elle de plier bagage ? Comment se fait le choix de la nouvelle implantation ?
Aucun chef d'entreprise, au-delà d'une certaine taille, ne peut faire l'économie de la question, analyse Olivier de Groote, associé en conseil et stratégie chez Deloitte. L'émergence de zones économiques stables et compétitives explique en premier lieu l'émergence du débat au sein des entreprises. Deux autres phénomènes facteurs : les entreprises se rassemblent en " clusters ", des centres nerveux où se concentre tout le savoir faire autour d'une activité, à la manière de la Silicon Valley, explique Olivier de Groote. Pour les chefs d'entreprise, mener cette réflexion n'est plus tabou ni un signe d'incivisme mais est plutôt perçu comme une responsabilité professionnelle.
Selon une étude réalisée par Agoria, la fédération du secteur de la technologie auprès de ses membres, 25 % des entreprises déclarent envisager d'investir en Europe Centrale, 25 % ont déjà franchi le pas.
Pour moitié, elles déclarent avoir été motivées par des coûts moins élevés. Un exemple parmi d'autres, celui de Cross Helmet Manufacturing, (CHM, production de casques de motos) qui a transféré en janvier dernier son activité de Nivelles vers une usine du groupe déjà établie en Tchéquie dès 1993, entraînant la disparition en Belgique de 115 emplois. La main d'oeuvre est cinq fois moins cher pour les ouvriers et environ trois fois moins cher pour les cadres, explique Alexander de Vos, administrateur délégué de CHM.
Pourtant, contrairement à l'idée reçue, le coût de la main d'oeuvre n'est pas forcément déterminant.
Dans notre cas, reprend Alexander de Vos, c'est le coût des semi-finis et des matières premières, inférieur de 30 %, qui a été déterminant. Ces coûts sont quatre fois plus importants que la masse salariale. Ceci étant dit, la décision de rester ou de partir ne repose pas uniquement sur un comparatif des coûts, explique Paul Soete administrateur délégué d'Agoria. Cela reviendrait à n'accorder d'importance dans une opération aussi lourde qu'un transfert d'activité qu'aux coûts. Eléments fondamentaux, mais loin d'être suffisants. Du point de vue commercial, les entreprises seront attentives au développement d'un marché potentiel, sur place, autour du nouveau lieu d'implantation. Elles auront, en outre, plutôt tendance à délocaliser la production de produits de série - où la concurrence est rude et les marges réduites. En terme de chaîne logistique également, le choix de l'implantation est déterminant pour la réussite de l'entreprise.
Tout dépend si vous vous situez dans un secteur dans lequel la proximité au client est importante ou pas, poursuit Paul Soete. Effet pervers, un sous-traitant est parfois contraint de déménager si son principal client a lui-même décidé de délocaliser. Enfin, dernier grand facteur observé par les chefs d'entreprises : le processus de fabrication. Si la part de la main d'oeuvre est faible, la production a des chances de rester en Belgique. Généralement, les processus de production simples et répétitifs sont les plus aptes à être transférés dans un pays étranger.
Même si, sur le papier, une entreprise peut arriver à la conclusion qu'elle pourrait travailler en dehors de ses frontières, la décision ne coule pas toujours de source.
Par définition, un chef d'entreprises cherche à minimiser le risque. C'est qu'une délocalisation est une grosse opération dont le processus peut s'étendre sur des années. En outre son coût est très grand. Il faudra, soit avoir provisionné, soit s'endetter, commente Elias Van Herwaarden, directeur chez Deloitte.
Ce mouvement signifie-t-il la fin de l'industrie dans notre pays et en Europe occidentale ? A terme, le taux d'industrialisation de notre pays va diminuer, prédit Olivier Willocx, directeur général de la chambre de commerce et d'industrie à Bruxelles. Le coût du transport, la maîtrise du service, et enfin le désir de conserver le savoir-faire sont autant de freins au départ d'activités économiques déjà existantes. La seule question qui comptera sera de savoir si l'activité délocalisée est stratégique ou pas. Par exemple, en dehors des campagnes mondiales, une agence de publicité reste culturellement spécifique à une zone géographique.
Au-delà de ces critères de choix, et des atouts de chaque territoire, la délocalisation va-t-elle se confondre avec une course en avant : toujours plus loin, toujours moins cher. En prenant en compte le niveau de fiscalité, les infrastructures, et le coût de la main d'oeuvre, on obtient une zone optimale, totalement hypothétique, qui va de Tallin, en Estonie à Constanza, en Bulgarie, explique Elias Van Herwaarden. Mais d'autres critères interviennent alors : gestion du temps, ou encore proximité du client. Le mouvement d'ensemble de la délocalisation serait plutôt un phénomène que nous connaissons depuis au moins 1492, commente Alexander de Vos, la nouveauté tiendrait plutôt dans la nouveauté des pays vers lesquels cette délocalisation se fait et le nombre de sociétés concernées. Dans cette redistribution mondiale permanente de l'économie, chaque pays aura à jouer de ses atouts.
Aucun territoire ne peut prétendre à la compétitivité absolue.
AvertissementL'asbl EPURES continue son parcours comme association environnementale.
Vous pouvez la retrouver sur son site et sur sa page Facebook. Nous laissons ce site ouvert comme archives particulièrement sur le dossier des nuisances aériennes.
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• Samedi 09/10/2004
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