Mots-clés : Gouvernement fédéral belge, Région wallonne, Aviation
Une carte blanche de Christian Valenduc (*) Economiste au Service d’Etudes du SPF Finances, professeur à l’UCL (Fopes) et aux FUCAM
La marche arrière du gouvernement fédéral sur le dossier de la taxe sur les billets d’avion n’est pas un épisode anodin. J’ai rarement vu un cas aussi clair de mauvaise gouvernance et, dans un tel contexte, il est hélas logique qu’une bonne idée finisse aussi mal.
Expliquons d’abord pourquoi c’était une bonne idée. Pour qu’une économie de marché fonctionne correctement, il faut faire en sorte que les personnes et les entreprises se comportent non seulement en fonction de leurs intérêts individuels mais aussi qu’elles prennent en compte l’intérêt collectif dans leurs décisions. Il faut donc leur faire percevoir le coût pour la société de certains comportements nuisibles et, à l’inverse, les encourager à avoir des comportements qui peuvent profiter à la société tout entière. Sur le sujet qui nous occupe, le transport aérien génère des nuisances – la pollution – qui ne sont pas mises à charge des utilisateurs : ceux-ci sont donc amenés à prendre des « mauvaises » décisions, en ce sens que si elles paraissent logiques à chacun d’entre nous sur base des prix en vigueur, elles ont un coût pour la société et chacun, maximisant son intérêt individuel, va à l’encontre de l’intérêt collectif. Dans le vocabulaire des économistes, le « prix social » est trop bas.
La raison majeure en est l’absence de taxation du kérosène. Agir directement à ce niveau est impossible : la taxation du kérosène pour les vols internationaux est interdite par une convention internationale qui n’est modifiable qu’à l’unanimité des parties contractantes. Le lobby du secteur a déjà sévi plus d’une fois !
Tout est fait pour faire croire que le gouvernement fédéral a "essayé" d'instaurer une taxe sur le commerce aérien. Mais quand les réactions et cris se sont fait entendre, tout à fait prévisibles, silence radio du fédéral: pas un mot de justification, pas une déclaration d'autorité, pas une seule larme pour l'environnement:
"Ah bon, vous n'en voulez pas? C'est pas grave, on supprime!". Quel dommage quand même que le commerce aérien n'aie pas vu le positif de cette taxe, comme le gouvernement a pu se tromper!
Et si notre bon Reynders n'était pas si bon que ça? J'ai du mal à croire que Reynders, très au fait des magouilles du transport aérien, et c'est une façon de s'exprimer, n'aie pas anticipé ce qui s'est passé. Il aurait pu bloquer cette taxe lors de la discussion budgétaire mais on aurait pu lui demander pour qui il roulait, plutôt pour qui il volait! Bref, on décide une taxe "verte" avec le soutien de Reynders, une première!, mais paf, bardaf, les régions n'en veulent pas, et ce bon Reynders cède: ya pas plus conciliant que ce grand homme!
Heureusement que son sourire carnassier lui permet de cacher l'amertume que cet échec a du lui susciter!