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La fin du rêve automobile

Par L'informateur • Les autres nouvelles • Samedi 22/01/2000 • 0 commentaires • Version imprimable

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Par Céline Tellier d'Inter-Environnement Wallonie
20 janvier 2011 

« Cette année, on arrête avec tous ces trucs écolos, on les fait rêver avec des bagnoles, des vraies ! ». Telles ont sans doute été les paroles du responsable marketing du 89e European Motor Show Brussels – de son petit nom, le Salon de l’Auto – apparemment frustré de limiter sa créativité, ces dernières années, aux opérations de greenwashing. « Remettons-nous à rêver », (« Drive your dream ») voilà en effet l’injonction de la FEBIAC (Fédération Belge de l’Industrie Automobile et du Cycle) pour sa cuvée 2011. En panne d’imaginaire et apparemment à court d’idées pour continuer à se déguiser en géant vert, le secteur automobile renoue avec ses vieilles ficelles pour tenter de (re)conquérir le consommateur, lui promettant « une petite balade cheveux au vent sur une moto flambant neuve [et] les charmes d’un prototype ou d’une première aux lignes sensuelles ».

Dès l’essor, il y a près de 60 ans, de ce que d’aucuns ont appelé une véritable « civilisation de l’automobile », le rêve a constitué un argument récurrent dans la communication du secteur. Ainsi, les constructeurs n’ont jamais hésité à associer grosses voitures et prestige social, vitesse et lutte des classes ou moteur puissant et créatures féminines aux courbes travaillées – on passera d’ailleurs sur la misogynie encore toute actuelle des salons et des publicités auto. A grands renforts d’images suggestives, le secteur automobile est parvenu à ancrer dans l’esprit des citoyens l’idée qu’une carcasse de fer pouvait témoigner – et même leur faire gravir quelques échelons – de l’escabelle sociale. Ainsi, aux bourgeois gentilshommes les anglaises luxueuses, aux cadres dynamiques les 4x4 urbains, aux jeunes branchés les sportives nerveuses : « quels que soient les rêves de chacun, le secteur de l’automobile et du cycle peut contribuer à les réaliser ». Ces fonctions symboliques côtoient donc les aspects strictement utilitaires des véhicules automobiles, et il serait vain d’espérer convaincre, par les seuls arguments rationnels, les usagers à quatre roues de devenir bipèdes. Les cultures de l’automobile charrient des dimensions sociales, matérielles et affectives, qui dépassent de très loin le modèle classique de l’individu rationnel qui est souvent postulé dans les théories du choix modal.

Pourtant, les opportunités n’ont pas manqué pour faire réfléchir les citoyens à leurs pratiques de mobilité. Crises énergétique, climatique et économique se sont succédées pour tirer la sonnette d’alarme sur les impasses de notre modèle de déplacements et rappeler qu’un autre rêve est possible... et même indispensable ! Polluants locaux (particules fines, substances acidifiantes, composés organiques volatils), bruit, confiscation d’un espace public raréfié, morcellement des espaces naturels, accidents, dégradations de l’environnement, congestion, ne sont que quelques-unes des incidences régionales et locales de l’automobilisme. Quant aux enjeux climatiques, le secteur des transports est responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre en Région Wallonne (dont 90% sont à imputer à la route). Le rêve automobile doit donc toucher à sa fin, au risque de virer au cauchemar.

Et il semble en effet que le vent tourne. Au grand désarroi des pontes de la « grande souveraine », l’image de l’automobile recule. Une récente étude du CERTU (Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques) montre ainsi que l’imaginaire associé à la mobilité des Français se fait de plus en plus intermodal, la voiture devenant un mode de transport parmi d’autres. C’est d’ailleurs particulièrement vrai dans les villes où des politiques pérennes de soutien et de développement des modes alternatifs à la voiture ont été mises en place. Grenoble a ainsi réussi à faire reculer la part des déplacements en voiture sous la barre des 50%. Et les auteurs de conclure : « Les gens sont nettement plus prêts qu’avant, pour de multiples raisons, à passer aux modes alternatifs à la voiture. Mais est-ce que l’investissement en transports collectifs a suivi ? Est-ce que la manière de « faire la ville » a radicalement changé ? ».

L’appel aux décideurs politiques est lancé. Après avoir largement financé, durant plus de cinq décennies, une automobilité aujourd’hui en déliquescence, il est temps que les responsables publics soutiennent de façon volontariste le déploiement d’alternatives à l’autosolisme et préparent activement la reconversion de l’industrie automobile. Au moment où sont discutés, tant au niveau fédéral que régional, des engagements majeurs pour l’avenir (contrat de gestion des TEC, plan d’investissement de la SNCB, réforme de la fiscalité automobile), on ne peut qu’enjoindre les gouvernements de prendre la mesure du décalage entre leurs actions actuelles et les souhaits de la population. Celle-ci rêve de nouveaux usages de la ville, de territoires habitables et non plus uniquement circulables, d’espaces publics libérés et partagés, bref, d’une mobilité qui se serait enfin émancipée de l’automobile.

Références pour information :

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- www.salonauto.be
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- Sheller, M., Urry, J., « The city and the car », International Journal of Urban and Regional Research, n°24, 2000, pp.737-757
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- Barthes, R., Mythologies, Paris, Seuil, 1957
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- Sheller, M., « Automotive Emotions : Feeling the Car », disponible en ligne, mai 2003.
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- Sauvy, A., Les quatre roues de la fortune. Essai sur l’automobile, Paris, Seuil, 1970.
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- Kaufmann, V. (et al.), « Et si les Français n’avaient plus seulement une voiture dans la tête ? », Évolution de l’image des modes de transports (à partir de l’analyse de 19 Enquêtes Ménages Déplacements), CERTU, août 2010.
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- Gorz, A., « L’idéologie sociale de la bagnole », 1973.