Vous pouvez lire cette chronique et bien d'autres, sur le site de l'écrivain Vincent Engel, dans la rubrique "Poil à penser", où s'expriment différents chroniqueurs comme Claude Javeau, Alain Berenboom ou Hugues Le Paige mais aussi le porte-parole de Trop de Bruit, Denis Marion. Cliquez-ici pour consulter ce site.
Dernièrement, lors d’une confrontation avec Renaat Landuyt, à la Commission de l’Infrastructure de la Chambre, Marie Nagy, Députée ECOLO, dépitée par le manque de réponse du Ministre, a dit : « Monsieur le Ministre, vous êtes grotesque[1] ! »
Notre Ministre de la Mobilité serait-il donc ridicule avec quelque chose de bizarre, voire de monstrueux. Serait-il comique ? Serait-il laid, horrible même ?
Nous laisserons à Madame la Députée la responsabilité de son vocabulaire. Beaucoup plus intéressant est la raison pour laquelle elle a traité Monsieur Landuyt de grotesque.
Pour ceux qui ne sont pas familiers au problème des nuisances aériennes provoquées par Zaventem (ou tout simplement fatigués d’en entendre parler ce qui, du reste, est moins gênant qu’un avion), ils doivent savoir que des riverains avaient introduit une action en vue de faire cesser les atterrissages sur la piste 02[2].
Le Tribunal de première instance leur a donné raison.
La Cour d’Appel a confirmé ce jugement et la Cour de Cassation a débouté l’état dans son pourvoi.
N’y aurait-il pas là l’autorité de la chose jugée ? (Que les juristes me reprennent si l’expression est inexacte).
Ce jugement était accompagné d’une série d’obligations à charge de l’état dont l’une, fort importante, était le relèvement à 10 nœuds de la norme de vent arrière. Pour ne pas être trop technique, sachez que devoir relever cette norme met à mal une partie du Plan de Dispersion des vols et est donc une catastrophe pour Messieurs Anciaux, Landuyt et consorts.
Alors, pour revenir à la question de Madame Nagy à Monsieur Landuyt : « Allez-vous modifier les normes de vent oui ou non? », jamais le Ministre n’y a répondu par Oui ou par Non…[3]
Circonlocution politique, est-ce bien comme cela que l’on dit ? Langue de bois ?
Ce qui est clair est qu’un jugement qui ne soufre ni de contestation, ni d’interprétation n’est pas appliqué à la lettre par un Ministre Fédéral. Il n’est pas là question d’un accord politique, de petits arrangements entre amis mais bien de ne pas respecter un arrêt, certes défavorable à la politique menée par deux Ministres SPA successifs.
Notons qu’un autre jugement, celui-là même à la base du Plan de Dispersion, cassé lui par la Cour de Cassation, est toujours appliqué, parce qu’il respectait les visées du premier de ces beaux messieurs, Bert Anciaux.
Nonobstant la mauvaise querelle que je cherche à ce Ministre, étant par essence de parti pris mais pas du sien, cette attitude examinée objectivement est-elle acceptable de la part d’un homme d’état. Sans s’attarder sur les astreintes dues par l’état, actuellement représentée par un immeuble saisi, deux ou trois à l’avenir, si le plafond des astreintes devait crevé, sans s’attarder donc sur cette perte sèche pour l’état, le refus de ne pas appliquer un jugement est clairement un acte politiquement, citoyennement, exemplairement, symboliquement inacceptable.
La norme s’estompe, nous rabâche-t-on. Non, la norme ne s’estompe pas. Elle sombre, elle a coulé au plus profond, elle a disparu. Refuser d’appliquer la lettre et l’esprit d’un jugement, confirmé en Appel, validé en Cassation est le pire signal que puisse donner un Ministre, qu’il s’agisse d’avions, de pêche aux canards, de couleur de ligne blanche ou de tout autre chose.
Madame Nagy, vous avez tort. Dire du Ministre qu’il est grotesque serait peut-être lui laisser la possibilité de jouer les Augustes dans un cirque et de s’attirer la sympathie des enfants.
Non, à cause de cette décision (et de bien d’autres vous diront les plus revendicatifs), le Ministre est un ces fossoyeurs de l’état de droit, de la démocratie. Finalement, guère plus respectable que certains officiants d’extrême droite ou autres bourgmestres et échevins peu scrupuleux, il fait partie de ces politiciens pour qui la Justice devrait se tenir coite, qui comme Jean-Claude Van Cauwenbergh s’ [interroge sur le pouvoir d’un juge, seul dans sa psychorigidité, qui a mis à mal 18.000 votants[4] qui souhaitaient que Jacques Van Gompel devienne bourgmestre] mettant en doute l’intégrité des Magistrats.
Que les Juges actent et tranchent dans le sens indiqué… par le politique.
Séparation des pouvoirs, indépendance de la justice, sont-ce des valeurs encore défendues par les politiques ?
Tiens, au fait, y a t il une responsabilité collective d’un gouvernement fédéral à l’instar de celle d’un collège communal ?
Bravo à Denis Marion, décidément fine plume, pour cet article totalement pertinent.
Gauthier van Outryve