PARIS, (AFP) - Le rapport sur la santé et l'environnement remis jeudi au Premier ministre constitue "une bonne analyse", selon le Pr Dominique Belpomme, un des cancérologues chargés du Plan Cancer, mais "sous-estime le rôle de l'environnement pour les cancers", dont 80% sont selon lui liés à l'environnement.

Le Pr Belpomme est l'auteur de "Ces maladies crées par l'homme" (Albin Michel).

Quel rapport entre cancer et environnement ? Nous avons 150.000 morts par cancer chaque année. Sur ces 150.000 morts, on sait qu'il y en a 30.000 liés au tabac. Si on retire le tabac, qui est une cause bien ciblée, il en reste 120.000, qu'il faut expliquer. Trois exemples: le cancer du sein a doublé depuis 20 ans, le cancer de la prostate chez l'homme a été multiplié par 4, les cancers chez l'enfant augmentent de 1% chaque année. Ces trois types de cancers ne sont pas liés au tabac, ils sont liés à autre chose. Quel est cet autre chose? On sait que de nombreuses molécules chimiques sont cancérigènes et polluent notre environnement. On sait même que dans notre alimentation nous avons encore des additifs alimentaires, des colorants alimentaires dont les organismes internationaux ont démontré qu'ils étaient cancérigènes chez l'animal, et donc probablement chez l'homme, et qui sont toujours tolérés dans notre alimentation.

Quelles actions doivent être menées selon vous ? La France est un des pays les plus pollués d'Europe, au niveau de la chimie et de l'agriculture. Le problème, c'est que pour prendre des mesures il va falloir faire face à un certain nombre de pressions venant de l'industrie et de l'économie. Une partie des actions viendra de l'Europe, où une nouvelle réglementation sur les produits chimiques est en train d'être mise en place. Elle doit être renforcée. Toute mise sur le marché d'une nouvelle molécule chimique, quelle que soit sa forme - cela peut être un objet, un plastique - doit faire l'objet de tests préalable en laboratoire chez l'animal, chez l'homme, ce qui n'est pas fait actuellement. 15 à 25% des pesticides sont cancérigènes. La plupart d'entre eux sont des perturbateurs endocriniens, c'est à dire qu'ils peuvent créer des malformations congénitales chez l'enfant et des stérilités chez l'homme. Pour diminuer l'usage des pesticides, il faut que la politique agricole commune subventionne la qualité, et non plus la quantité produite. Des pays ont donné l'exemple, comme le Danemark, où on a réduit la quantité de pesticides utilisés en agriculture de 30% depuis 1996, sans que le rendement soit plus faible.

Qu'attendez vous du rapport ? Ce n'est qu'un préliminaire à la prise de décision. On attend maintenant le passage à l'acte.