Source : La conférence de Bali.

Dimanche 2 décembre

Etrange sensation en cette première journée dans la cité balnéaire de Nusa Dua, au Sud de l'ile de Bali : la réunion matinale – « nocturne » serais-je tenté de vous écrire, ne m'étant pas encore acclimaté au nouveau fuseau horaire – a lieu à l'ombre des palmiers, en bord de mer. On côtoie donc touristes en maillots de bains ou surfeurs la planche sous le bras lors des « pauses thé ». Mais pas de doute, ce sont pour de toutes autres raisons que nous sommes ici : la Conférence ne commence officiellement que demain mais cette journée fut déjà très intense.

Au vu de l'implication croissante d'ONG issues des quatre coins du globe dans la problématique des changements climatiques, la tâche du Climate Action Network International (CAN), qui en organise la coordination, n'est pas aisée. Mais l'organisation du réseau est impressionnante. Pour la première fois, CAN a prévu cette année un « meeting for newcomers » destiné à familiariser les nouveaux venus avec les rouages de cette énorme machinerie qu'est l'UNFCCC. Dans la foulée, un « strategy meeting » définit les contours des positions qui seront défendues par le CAN lors des contacts avec les délégués officiels. Les « contours » ? Cela peut sembler étonnant en cette veille du début des négociations.

Mais en réalité, la Conférence de Bali ne devra essentiellement déboucher que sur un « menu » des négociations qui devront être menées dans les deux ans à venir. L'enjeu est bien entendu énorme, mais cela signifie que de nombreux thèmes ne seront donc pas discutés avant plusieurs mois. Le temps pour CAN d'affiner ses positions et faire « mûrir » des discussions. Car si toutes les ONG s'accordent aisément sur les objectifs ultimes, les diversités géographique et thématique des associations membres peuvent induire certaines divergences quant à l'approche et les moyens pour y parvenir.

Les débats d'idées furent donc riches aujourd'hui, et laissent présager des réunions de coordination passionnantes.

CAN international se réunira en effet quotidiennement pour faire le point sur les discussions en court et coordonner le travail des ONG. Parallèlement, les groupes « géographiques » (Amérique du Nord, Asie, Afrique, Australie, Europe, …) se réuniront de manière irrégulière – environ un jour sur deux en fonction de l'agenda politique – afin de se coordonner concernant des thèmes de discussion spécifiques aux régions concernées. Enfin, divers groupes de travail ont été mis sur pieds afin de favoriser l'échange d'expertise et définir des positions communes sur les principaux thèmes, variés et complexes, devant constituer la base d'un nouvel accord international :

- déforestation : Quels instruments - notamment financiers ou basés sur le marché - convient-il de développer pour réduire la déforestation ? Quels critères d'acceptibilité fixer, pour éviter par exemple le développement de grands projets de monoculture ? Comment veiller à ce que cela bénéficie en priorité aux populations indigènes et contribue au développement durable local ? La déforestation est responsable d'un cinquième d'émissions mondiales de gaz à effet de serre d'origine humaine et fait de l'Indonésie le troisième émetteur mondial.

- adaptation aux changements climatiques : quelle stratégie mondiale ? Comme s'assurer que les moyens financiers seront suffisants pour répondre aux besoins ? Comment favoriser l'accès en priorité des pays les plus vulnérables à ces fonds ? Quel est le rôle des pays industrialisés, principaux responsables du réchauffement, dans cette stratégie ?

- post-2012 : Quel niveau de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre est-il jugé acceptable pour limiter les effets du réchauffement ? Selon quels critères doit-on différencier les catégories de pays (pays industrialisés, pays à croissance rapide, etc.) qui devront être tenues par des engagements d'ordres différents ? Quels seront les niveaux de ces différents engagements ?

- transfert de technologies : Comment favoriser le transfert de technologies de réduction d'émissions et d'adaptation au réchauffement, depuis les pays industrialisés vers les pays du Sud ? Quelles sources de financements novatrices exploiter à cet effet ?

- politiques et mesures de développement durable : quels outils mettre en place dans les pays du Sud afin de leur permettre de contribuer à une stratégie mondiale de réduction d'émissions sans que cela n'entrave leur développement ?

- mécanismes de développement propre : comment remédier aux limites du système actuellement en place ? Comme s'assurer que les pays qui en bénéficient sont ceux qui en pont le plus besoin ?

Bref, encore de nombreuses questions auxquelles il conviendra d'essayer de répondre durant cette quinzaine, mais aussi les mois à venir…

Si vous voulez en savoir plus sur le travail effectué par CAN à Bali :

- CAN publiera quotidiennement « ECO », un bulletin d'information en anglais analysant l'évolution des discussions sous l'angle des ONG. Le « Reseau Action Climat » se charge de sa publication en français, avec le soutien d'IEW notamment.

- Chaque jour, CAN attribue le « fossile of the day » aux pays qui se sont illustrés par leurs déclarations ou prises de position particulièrement rétrogrades.

- CAN International tient également à jour un blog.