Mots-clés : Aviation
L’affaire est trop belle pour être passée sous silence. Et cela bien que le fond de l’histoire soit très grave : plusieurs confrères révèlent que des équipages d’Air France ont refusé d’embarquer des exemplaires du journal Le Figaro par mesure de rétorsion contre le quotidien, accusé de mal traiter les pilotes en marge de l’accident du Rio-Paris AF447 du 1er juin 2009.
Ce n’est pas un simple déni de lecture, c’est évidemment un abus de pouvoir pur et simple, inqualifiable, inacceptable, qui dénote un très mauvais esprit. On imagine qu’il s’est agi de l’agissement d’une minorité, survenu au moment où le quotidien distillait de premières indications sur le rapport d’étape du Bureau enquêtes et analyses diffusé à la veille de la trêve estivale. Des extraits de la transcription du CVR (Cockpit Voice Recorder), entrés depuis lors dans le domaine public, faisaient apparaître un comportement un peu léger du commandant de bord (tout au moins pouvait-on le considérer comme tel), au minimum en matière du choix des mots utilisés pour évoquer une difficulté météorologique. En termes peu choisis, il avait dit que les cumulo-nimbus ne faisaient pas la loi.
A priori, on a un peu honte d’évoquer un sujet aussi minuscule, sachant d’entrée qu’il nous vaudra une nouvelle rafale de commentaires peu amènes (1). Le fait est, néanmoins, que le personnel navigant est sensé offrir de la lecture aux passagers, en toute neutralité, qu’il s’agisse du Figaro, du Canard Enchaîné, de Libé ou de L’Humanité. Une lecture proposée avec indifférence et détachement, comme le font les facteurs qui distribuent le courrier. Encore que la comparaison ne soit pas parfaite, reconnaissons-le.
On pourrait ne pas en parler, choisir l’indifférence, estimer que l’actualité aéronautique est, jour après jour, riche de sujets autrement intéressants. Mais la réalité est plus nuancée et, surtout, beaucoup moins simple. Elle est marquée, tout d’abord, par une touche tout à fait involontaire de mauvais humour, tout simplement parce que Le Figaro appartient à Serge Dassault, c’est-à-dire au constructeur du Rafale et de la famille prolifique des Falcon. Il s’agit, bien sûr, d’un curieux mélange des genres, encore que ce soit là un tout autre sujet. Mais on notera au passage qu’on imagine mal Boeing propriétaire du Seattle Times ou Lockheed Martin actionnaire du Washington Post.