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Maladies: Le facteur pollution

par Marion Festraëts dans L'Express du 10/05/2004

Par ChercheInfo • Trop de nuisances dans nos vies • Lundi 21/06/2004 • 0 commentaires • Version imprimable

Gaz d'échappement, pesticides, nitrates, amiante... les pathologies modernes ne sont plus naturelles, mais bien fabriquées par l'homme lui-même. De plus en plus de scientifiques font ce constat. Ils appellent aujourd'hui à réagir C'est une bombe à retardement dont le compte à rebours est déjà enclenché. Une menace lente et insidieuse qui se glisse dans la terre, l'eau et l'air, la pluie et les forêts, jusqu'à nos maisons. Et frappe déjà, silencieusement La pollution nous rend malades. A en mourir, parfois. Comme à Minamata, au Japon, où des fuites de mercure tuèrent des centaines de pêcheurs dans les années 1960. En France, il aura fallu attendre vingt ans pour que l'usage de l'amiante, déclaré cancérigène en 1977, soit totalement interdit. Aujourd hui, prend-on vraiment la mesure des ravages que d'autres substances pourraient engendrer? Qu'elles engendrent déjà? De plus en plus de médecins soupçonnent la responsabilité des polluants chimiques dans l'expansion de ces maladies qu'on dit de civilisation. En France, le nombre de morts par cancer a plus que doublé depuis un demi-siècle, pour dépasser 150 000 par an aujourd'hui. Désormais, 1 enfant européen sur 7 est asthmatique. Les allergies se multiplient. Dans les pays développés, la fertilité masculine a chuté de 40% en vingt ans. Suspects: non seulement l'amiante, le plomb ou le mercure, aux méfaits bien connus, mais aussi les pesticides, nitrates issus des lisiers d'élevage, dioxines des incinérateurs de déchets, microparticules des pots d échappement et des fumées noires d'usines, molécules aux noms imprononçables dont la liste ne cesse de s'allonger avec le développement de l'industrie phytosanitaire. Au point que, le 7 mai, des dizaines de scientifiques ont sonné le tocsin en lançant l'Appel de Paris, une «déclaration internationale sur les dangers sanitaires de la pollution chimique», lors du colloque international «Cancer, environnement et santé», qui s'est tenu le même jour à l'Unesco. «L'homme n'a jamais été autant confronté à des substances chimiques» Parmi les premiers signataires, les Prs Jean Bernard, Lucien Israël, François Jacob, Jean Dausset et Albert Jacquard. Selon eux, il y a péril en la demeure: la France, deuxième utilisateur mondial de pesticides, en consomme 100 000 tonnes par an. Par ailleurs, la mortalité prématurée par cancer serait, dans notre pays, environ 20% plus élevée qu'ailleurs en Europe. De quoi se poser des questions. Le 18 mai, le Plan national santé-environnement (PNSE) lancé par Jacques Chirac sera soumis à 150 personnalités de la société civile, avant d'être publié, en juin, à Budapest, dans le cadre de la 4e Conférence ministérielle sur l'environnement et la santé. En février, le rapport préliminaire rédigé par la commission d'orientation dénonçait la sous-estimation des risques induits par la multiplication des substances polluantes et préconisait la mise en place d'études épidémiologiques. De son côté, Nicolas Hulot relaie ce cri d'alarme dans son dernier livre au titre funeste, Le Syndrome du Titanic (Calmann-Lévy). L'amorce d'une prise de conscience? L'histoire pourrait faire sourire si elle n'était si inquiétante: à la fin des années 1990, des scientifiques ont remarqué la multiplication d'ours polaires hermaphrodites sur la banquise du Groenland. D'après les études d une équipe de chercheurs norvégiens, le phénomène était dû à une contamination de matières polluantes qui agissent comme des leurres hormonaux et troublent le développement des organes sexuels. Au bout de la chaîne alimentaire, les grands carnivores blancs recevaient des doses concentrées de ces produits véhiculés par l'atmosphère. Depuis, on a observé les mêmes mécanismes sur des sauriens, des poissons ou des batraciens, un peu partout dans le monde. Phtalates, PFO, pesticides organochlorés, PCB, ignifugeurs bromés: ce joyeux cocktail n'est pas la recette d'une soupe chimique moulinée par une sorcière moderne. C'est la liste des substances toxiques que contient sans doute votre sang. En tout cas, on les a retrouvées dans l'hémoglobine de 47 volontaires, pour la plupart des parlementaires européens, testés en avril par le WWF dans le cadre de sa campagne DetoX. En moyenne, chaque «cobaye» abritait dans ses veines 41 de ces produits. 13 d'entre eux, dont le HCB et un métabolite du DDT (deux pesticides pourtant interdits depuis belle lurette), ont été systématiquement dépistés, confirmant que ces éléments sont stockés à long terme par l'organisme. Un phtalate qui sert à assouplir les matières plastiques, réputé être un dérégulateur endocrinien pouvant entraîner, notamment, des atrophies testiculaires et la baisse de la fertilité, a été mesuré à des concentrations élevées chez tous les sujets. Comme le Deca-BDE, un retardateur de flammes tel qu'on en utilise sur les moquettes ou les meubles, fortement suspecté de neurotoxicité. Certaines pathologies semblent frapper surtout les agriculteurs Le WWF estime qu'il est «extrêmement difficile de déterminer quelles peuvent être les conséquences pour la santé d'une exposition à ce cocktail de produits chimiques». L'organisation internationale, comme les signataires de l'Appel de Paris, réclame la mise en place du programme Reach («Répertorier, évaluer et autoriser les substances chimiques»), une réglementation proposée par l'Union européenne, qui vise à instaurer un système d'évaluation et d autorisation pour les quelque 30 000 produits chimiques fabriqués ou importés dans l'Union. Car, aujourd'hui, aucune législation ne fixe la moindre règle. Le Chemical Abstracts, la bible des chimistes, qui répertorie les 22 millions de produits en usage, précise même que «seulement 300 000 d entre eux ont été testés sérieusement pour évaluer leur toxicité». Pour l heure, les industriels de la chimie jouent la montre, incriminant le coût d une telle entreprise - évaluée pourtant à moins de 0,1% du chiffre d affaires de la branche. «De toute son histoire, l'homme n'a jamais été à ce point confronté à des substances chimiques, rappelle Yves Levi, professeur de pharmacie à l université Paris XI et membre de la commission d'orientation du PNSE. S'il n est pas question de nier les immenses progrès en matière de santé, de technologie et de confort obtenus grâce à la chimie, il est également temps d'évaluer sérieusement les risques induits par ces nouvelles molécules. Dans ce domaine, la France est loin d'être en avance.» En effet, notre pays produit seulement 1,5% des contributions scientifiques sur le sujet, contre 7,8% pour la Grande-Bretagne et 43,10% pour les Etats-Unis... Initiateur de l'Appel de Paris, le cancérologue Dominique Belpomme, fondateur et président de l'Association française pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (Artac), s'est fait sa religion: dans Ces maladies créées par l'homme (Albin Michel), le chargé de mission pour la mise en ouvre du plan Cancer évalue entre 60 et 70% le nombre de cancers dus à l'environnement - tabagisme passif inclus. «Nous ne souffrons plus des mêmes maladies qu'il y a un siècle ou deux. Elles ne sont plus d'origine «naturelle», elles sont en quelque sorte fabriquées par l'homme», explique le médecin. Il ne s'agit plus seulement de se demander de quoi les gens sont malades, mais pourquoi ils le sont, martèle Philippe Saint-Marc, président de la Société internationale de recherches pour l'environnement et la santé (Sires) et coauteur de l'ouvrage collectif L'Ecologie au secours de la vie (Frison-Roche). Avec une vingtaine d'experts de la commission d'orientation du PNSE, il a participé à l'élaboration du rapport préliminaire, aux conclusions inquiétantes: «Malgré les progrès diagnostiques et thérapeutiques si prometteurs des trente dernières années, on observe une augmentation sensible de l'incidence de certains types de cancers, indépendamment du vieillissement de la population et des conséquences connues du tabagisme. L'incidence globale des cancers, quant à elle, a crû de 35% en vingt ans en France, à âge égal. La diffusion de certains polluants dans nos milieux de vie et leur accumulation dans certains vecteurs d'exposition (l'alimentation, en particulier), du fait des activités industrielles, de leur présence dans de nombreux produits de consommation courante ou des pratiques agricoles de culture intensive, ne constitueraient-elles pas une des causes de cette inquiétante évolution?» L Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) vient de publier un rapport indiquant que la pollution atmosphérique, notamment engendrée par l'automobile, ferait 4 876 morts par an. En 1996, les calculs de l'OMS attribuaient près de 30 000 décès prématurés, en France, à une exposition sur le long terme à cette pollution. Selon Airparif, le taux de dioxyde d'azote, à Paris, a augmenté de 10% entre 2002 et 2003. Au CHU de Montpellier, le Pr Charles Sultan, chef du service d endocrinologie pédiatrique, accuse: selon lui, les parents exposés à certains pesticides, herbicides et autres fongicides - perturbateurs endocriniens notoires - ont quatre fois plus de risques de donner naissance à des bébés atteints de malformations sexuelles, micropénis ou pseudo-hermaphrodisme, par exemple. Il évoque le cas d'une petite fille de 3 mois présentant une puberté précoce: le sol du jardin de sa maison, le sang de ses parents et son propre sérum révélaient la présence de pesticides. «J observe dix fois plus de naissances d'enfants mal formés qu'il y a dix ans! s'indigne-t-il. L'ensemble des données en ma possession met en évidence le rôle de perturbateurs endocriniens - les pesticides - dans l'augmentation de la fréquence de certaines endocrinopathies de l'enfant.» Par ailleurs, les cancers hormono-dépendants augmentent dans des proportions impressionnantes: en vingt ans, les cancers du sein ont doublé, ceux de la prostate ont quadruplé, selon une étude de l'Institut de veille sanitaire (IVS) publiée en 2003. De son côté, la Mutualité sociale agricole (MSA) a mis en place un numéro vert pour recueillir les témoignages d'agriculteurs. En 1999, elle estimait à 20% la part d'utilisateurs de produits phytosanitaires souffrant de troubles divers après leur manipulation. En première ligne, les viticulteurs et les arboriculteurs (avant d'être consommée, une pêche aura subi en moyenne 22 traitements!), qui procèdent à des épandages massifs et aériens de ces produits. Depuis sa mise en place, au mois de février, la ligne a enregistré plus de 556 appels. «Nous surveillons tout particulièrement la prévalence de certains cancers ainsi que celle de pathologies neurologiques comme les maladies de Parkinson et d'Alzheimer, qui semblent frapper davantage les agriculteurs que le reste de la population», explique-t-on à la MSA. Certaines leucémies, des cancers tels que ceux de la vessie, du pancréas, du rein ou du cerveau, les lymphomes et les sarcomes, des pathologies rares, sont jusqu'à deux fois plus répandus chez les paysans que dans le reste de la population. Source de vie, l'eau charrie pourtant de drôles de molécules: selon un rapport de l'Institut français de l'environnement (Ifen) datant de 2002, «90% des stations situées sur des eaux de surface et 58% de celles surveillant des eaux souterraines sont touchées par la présence de pesticides». Pas question de mettre en cause les seuls agriculteurs: «Les jardiniers du dimanche, les collectivités locales ou la SNCF au bord de ses voies utilisent également des herbicides puissants», rappelle Yves Levi. Et les pesticides ne sont pas seuls sur la sellette. Dans les régions d'élevage intensif comme la Bretagne, c'est la qualité de l'eau qui pose problème. L épandage des lisiers sur les sols agricoles représente l'équivalent de 45 kilos de nitrates par Français chaque année. Résultat: des tonnes de micro-algues puantes qui prolifèrent sur les plages bretonnes et étouffent les écosystèmes, des eaux du robinet rendues impropres à la consommation, dangereuses pour la santé des femmes enceintes et des nourrissons. Chaque année, plus de 500 000 euros sont dépensés pour lutter contre les marées vertes. Au point que certains se demandent s'il ne serait pas plus malin de changer nos méthodes agricoles plutôt que d'en réparer les dégâts. D encourager davantage une agriculture biologique qui ne représente en France, premier producteur agricole de l'Union européenne, que 1,8% des surfaces cultivées - 70% des produits bio consommés dans l'Hexagone sont importés. «En Bavière, de 30 à 40% des exploitations se sont reconverties dans l agriculture bio, explique le Dr Lylian Le Goff, responsable de la mission biotechnologies de France Nature Environnement. En moins de vingt ans, le Land a retrouvé une qualité d'eau pure, indemne de nitrates et de pesticides » Examinée en Commission des lois à l'Assemblée nationale le 12 mai, la Charte de l'environnement inclut dans son article 5 un «principe de précaution» prévoyant «l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d'éviter la réalisation du dommage ainsi que la mise en ouvre de procédures d'évaluation des risques encourus». Pour Philippe Saint-Marc, le choix est simple: «Médicaliser la société ou «écologiser» le développement.» Prévenir, pour mieux guérir. Post-scriptum 492 cas de saturnisme étaient encore dépistés en France en 2003. 10 millions de logements seraient susceptibles de contenir les peintures au plomb responsables de cette maladie infantile de la pauvreté.

http://www.lexpress.fr/info/sciences/dossier/pollution/dossierasp?ida=427612