De jeunes et futures mères se sont rendues au Parlement européen pour y rencontrer les mandataires belges appelés à s'exprimer sur la réforme législative en cours en matière de chimie: REACH (1). Ces femmes étaient accompagnées par les représentants d'une cinquantaine d'organisations incarnant différents courants de la société civile belge. Au cœur de leurs revendications, le vote d'une législation garantissant notamment un contrôle des substances chimiques préalable à leur mise sur le marché. En effet, avec REACH, les substances chimiques devront d'abord être enregistrées et leurs risques évalués avant de bénéficier d'une autorisation de commercialisation. Le vote au Parlement européen interviendra à Strasbourg, probablement le 17 novembre prochain. Il est capital que les parlementaires orientent ce vote de manière à permettre la substitution des substances dangereuses par des alternatives plus sûres. Ceci devrait permettre d'éviter d'insolubles problèmes environnementaux et de santé publique.
Préoccupées par les résultats d'études récentes, ces femmes ont répondu à l'appel
des associations qui ont lancé, l'an dernier, un Manifeste pour une législation
efficace sur les substances chimiques (2). Ces études ont été nombreuses à révéler
la présence de substances chimiques dangereuses pour la santé dans le sang de
cordons ombilicaux (3), dans le sang ou les tissus humains ou encore dans le
lait maternel. Il est possible que l'augmentation de l'incidence de maladies
graves, telles que cancers, allergies ou troubles neurologiques et immunologiques,
soit liée à la présence de ces substances (4). Les substances chimiques dangereuses
retrouvées dans l'organisme humain sont présentes dans une large gamme de biens
de consommation courante (5).
«Je trouve vraiment choquant que mon enfant soit déjà contaminé par les substances
chimiques alors qu'il n'est pas encore né! C'est tout aussi choquant de se dire
que ces substances chimiques ont été commercialisées sans que l'on sache si
elles pourraient mettre notre santé en péril, s'insurge Sophie Bronchart. »
La réforme législative REACH franchira dans les prochains jours une étape cruciale
avec le vote attendu au Parlement européen. Ce processus législatif de longue
haleine risque de voir son efficacité limitée par une industrie chimique peu
désireuse de rendre davantage de comptes à la société.
«Avec REACH, des bénéfices considérables s'exprimeront en terme de santé publique
et de protection de l'environnement, déclare Fawaz Al Bitar de Greenpeace. Pour
ce faire, il est capital que REACH inclue le principe de substitution, garantissant
le remplacement systématique des substances chimiques dangereuses par des alternatives
moins nocives, quand elles existent. »
Pour être efficace, REACH doit assurer la mise à disposition d'une information
suffisante pour toutes les substances commercialisées à plus d'1 tonne/an afin
d'identifier les substances les plus dangereuses et leurs alternatives.
« Il n'est pas normal qu'un consommateur ne puisse pas bénéficier de toutes
les garanties voulues quant à la sécurité des biens qu'il achète, poursuit Carine
Deschamps de Test-Achat. L'information doit, par ailleurs, être disponible pour
le public. REACH offre la possibilité à l'industrie de regagner la confiance
des consommateurs.»
«En jouant résolument la carte de l'innovation, l'industrie européenne pourra
préserver sa compétitivité et maintenir le niveau d'emploi en Europe, rétorque
Bruno Melckmans de la FGTB.»
C'est l'ensemble de ces avantages collectifs que les jeunes ou futures mères
ont exposé aux parlementaires européens. Elles leur ont exprimé leurs principales
attentes quant à REACH et leur ont remis un bien de consommation courante fabriqué
sans substances préoccupantes.
« Ce que nous demandons, n'est pas utopique, conclut Patricia Servais
de la Fondation Contre le Cancer. Certains groupes industriels n'ont pas attendu
REACH pour modifier leur processus de fabrication (6), ils ont déjà 'voté'
pour des substances moins dangereuses. Nous espérons qu'au moment de voter,
les parlementaires européens se souviendront qu'ils peuvent éviter bien des
souffrances aux familles européennes.»
Les organisations signataires du Manifeste rappellent enfin qu'il est essentiel
que les produits importés répondent aux mêmes critères que les produits fabriqués
en Europe et soulignent la nécessité de développer des tests alternatifs aux
tests sur animaux.
Notes
1) REACH pour enRegistrement, Evaluation, Autorisation des substances CHimiques
2) Liste des organisations signataires :Test-Achat, Centre de recherche et d'information des organisations de consommateurs (CRIOC), Netwerk Bewust Verbruiken (NBV), Réseau des consommateurs responsables (RCR), Réseau éco-consommation, Ecolife, FGTB, CSC, Syndicat libéral (CGLSB) ; Mouvement ouvrier chrétien (MOC), Ligue des familles, Gezinsbond, Vie féminine, Nederlandstalige Vrouwenraad VIVA-Socialistische Vrouwen Vereniging, (VIVA-SVV), Stop Poison Santé, Société scientifique des médecins généralistes (SSMG), Fédération des maisons médicales et collectifs de santé (FMM), Fondation contre le cancer ; Prévention des allergies, Vlaamse Liga tegen kanker, Vlaamse Artsen voor het Milieu en Maatschapij (VLAMM), Wetenschappelijke Vereniging van Vlaamse Huisartsen (WVVH), Global Action in the Interest of Animals (GAIA), Geenpeace Belgium, WWF Belgium, Natagora, Natuurpunt, PAN Belgium, Amis de la Terre, Groupement d'arboriculteurs en Wallonie pratiquant les techniques intégrées (GAWI), Faune & Biotopes, Eco-vie, Ciney-Environnement, Sauvegardons Naast et ses environs (SNE), Action et défense de l'environnement de la vallée de la Senne et de ses affluents (ADESA), Environnement- Dyle, Action Nature, Association pour la protection de la nature et de l'environnement dans les Ardennes brabançonnes (APNE), Centre d'écologie appliquée du Hainaut (CEAH) ; Centre apicole de recherche et d'information (CARI), Ligue royale pour la protection des oiseaux (LRPO), L'air à l'oeil, Vereniging voor Ecologische Leef- en Teeltwijze (VELT), Ethisch-vegetarisch alternatief (EVA) ; Vlaamse Overleg Duurzame Ontwikkeling (VODO), Christelijke Mutualiteiten (CM) et quelques personnalités du monde scientifique: Prof. Isabelle Steingers, philosophe, Prof. François Ost, philosophe, juriste, Prof. Corinne Charlier (ULg), Prof. Luc Hens (VUB), Prof. Dr. Nicolas Van Larebeke (Ugent), Prof. Dr. Jan De Maeseneer (Ugent), Guy Magnus (Ch.Ex.Off., European Society for Research on Environment and Health), Prof. Benoit Nemery (KUL) ; Prof. P. Schepens, Prof. F. Comhaire (UG) ; Prof. W. Baeyens (VUB). Manifeste du 22 novembre 2004 pour une législation efficace sur les substances chimiques a été réalisé à l'initiative des 4 fédérations régionales de protection de l'environnement (IEW, BBL, IEB et BRAL) et est disponible sur http://www.iewonline.be/document/041105chimique06.pdf
3) Plusieurs études sont disponibles, comme par exemple :
- le rapport "A Present for Life: hazardous chemicals in cord blood" 'est disponible
en français sur le site http://reachfr.greenpeace.be
ou en anglais sur http:// www.panda.org/detox
- le rapport « Pasgeborenen campagne: Vlaams Humaan Biomonitoringprogramma »
du Steunpunt Milieu en gezondheid est disponible en néerlandais sur le site:
http://www.milieu-en-gezondheid.be/Resultaten/Pasgeborenen/Resultatenrapport.pdf
4) Récemment la confédération européenne des syndicats (ETUC: European Trade
Union Confederation) a commandité une étude réalisée par l'université de Sheffield
montrant que REACH permettrait, sur une période de 10 ans, d'éviter des coûts
de 3,5 milliards d'euros, uniquement suite à la prévention de 2 types de maladies
(problèmes respiratoires et maladies de la peau) chez les travailleurs.
Pour plus d'information: Pickvance, (S.) et al., The impact of REACH on occupational
health with a focus on skin and respiratory diseases, University of Sheffield,
UK, September 2005. http://hesa.etui-rehs.org/uk/newsevents/files/reach-sheffield-complet.pdf
6) Plusieurs fabricants ont déjà opté pour la substitution de substances dangereuses par des alternatives plus sûres comme par exemple Reebok, Ikea et H&M qui évitent le PVC pour leurs chaussures, vêtements et objets en matière plastique. Les alkylphénols et les phtalates n'entrent plus dans la composition de la collection 'enfant' de M&S. Sony et Sony Ericsson n'utilisent plus de retardateurs de flamme au brome. Lavera n'utilise plus de phtalates, alkyphénols et muscs synthétiques dans ses produits cosmétiques./P>