UN ARTICLE DE WILLIAM BOURTON sur lesoir.be

Evere, mardi midi, dans un grand hôtel, sur la route vers l'aéroport. DHL organise une conférence de presse afin de faire le point sur le dossier de son extension à Bruxelles-National.

Nous n'avons toujours pas reçu d'offre de cadre réglementaire dans lequel nous pourrions développer un centre de tri intercontinental, déclarent les patrons européens de la société de courrier express allemande.

Pour eux, c'est clair : la balle est dans le camp du gouvernement ; DHL attend son offre avant de la comparer avec deux autres possibilités en Europe et avant de prendre une décision définitive dans ce dossier.

Rue de la Loi, trois heures plus tard. Après la tenue d'un comité ministériel restreint (kern) élargi aux ministres-présidents bruxellois et flamand, Charles Picqué (PS) et Yves Leterme (CD&V), les vice-Premiers Laurette Onkelinx et Didier Reynders (MR) affirment, en quittant le “ 16 ”, que la balle est dans le camp de DHL ! DHL est priée de revoir une nouvelle fois sa copie : de réduire davantage les nuisances sonores liées à son projet d'extension et de renoncer à réaliser, dans son intégralité, l'extension de ses vols de nuit intercontinentaux avec les gros porteurs MD 11. Si DHL ne peut accepter les limites que nous lui imposons, ce que je peux comprendre, il faut en tirer les conclusions, de préciser Didier Reynders. Une analyse à laquelle se rallient les deux ministres-présidents Charles Picqué et Yves Leterme. Même si, officiellement, de part et d'autre, on dit continuer à y croire, et vouloir tout mettre en oeuvre pour que le développement des activités de DHL (avec les créations d'emplois inhérentes) s'effectue dans le respect des populations survolées, en coulisse, le pessimisme est désormais de rigueur. Et c'est même un euphémisme !

Hier matin, à la conférence de presse de DHL, la question a été clairement posée : quid si les négociations capotent ? Après mille précautions d'usages (DHL veut continuer à y croire...), les dirigeants de la multinationale ont expliqué que, si les conditions pour créer leur centre de tri n'étaient pas remplies, Bruxelles-National serait en quelque sorte “ rétrogradé ” au rang de centre régional. Avec quels effets sur l'emploi ? Les responsables de DHL ne souhaitent pas se prononcer sur ce point. Nous avons toujours montré que nous étions prêts à faire des efforts pour régler ce dossier, préfère redire Roland Steisel, le patron des affaires juridiques de la société.

Qu'est-ce qui coince ? Essentiellement le type d'oiseaux de nuit utilisés...

Le communiqué commun des gouvernements fédéral, bruxellois et flamand dénonce le fait que DHL soutient aujourd'hui que l'extension de ses vols de nuit (22.000 contre 13.400 à ce jour) ne pourra se faire qu'avec de gros appareils, responsables d'une émission sonore d'un “ quota count ” (ou “ QC ”) d'environ 8. Or, épinglent les trois exécutifs, le 28 septembre 2004, DHL avait confirmé que l'augmentation des vols serait en partie réalisée en utilisant des avions plus silencieux (appareils avec QC inférieur ou égal à 4).

On l'a dit, DHL s'est (préventivement) défendue. On retiendra prioritairement trois éléments de cette conférence de presse très médiatisée :

1. DHL a l'intention de faire de Bruxelles-National un “ hub ” intercontinental. Jusqu'ici, il était question d'un hub européen. Cette “ précision ” a permis aux patrons de DHL d'expliquer que, malgré tous les efforts consentis ces dernières années afin de renouveler leur flotte (un milliard d'euros investis), il était impossible de répondre aux exigences acoustiques du gouvernement concernant les fameux MD 11 (QC 11) : le meilleur appareil sur le marché pour ce rayon d'action. En clair: à plateforme intercontinentale, avions intercontinentaux...

2. DHL affirme pouvoir tenir actuellement avec quatre mouvements par nuit effectués avec MD 11, mais, s'il veut respecter son plan d'extension, à l'horizon 2011, il lui faudra impérativement compter sur seize mouvements par nuit. Ce qui laisse sept ans pour espérer qu'un nouvel avion-cargo plus silencieux soit mis en service... ou, dixit DHL, que le gouvernement prenne des mesures d'isolation en faveur des quelque 12.000 riverains de la zone de bruit dite “ de 55 décibels ” (chiffres officiels, mais contestés, fournis par Biac).

Quatre fois plus (de 4 à 16) de vols de nuit en MD 11 ? Ou seize fois plus ?... Aujourd'hui, DHL n'effectue qu'une seule rotation nocturne (la période de nuit étant officiellement comprise entre 23 heures et 6 heures) avec cet appareil, via le sous-traitant Gemini Air Cargo, qui décolle à 3 h 30 pour New York JFK...

3. DHL ne fixe plus de “ deadline ” au gouvernement. La société continuera à négocier tant qu'elle sentira une volonté d'avancer dans le chef des politiques.