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Environnement:La nature aux soins intensifs

Un article paru dans Le Vif, au mois de juillet 2004.

Par Cherche l'info • Trop de nuisances dans nos vies • Mercredi 28/07/2004 • 0 commentaires • Version imprimable

Depuis au moins vingt ans, zoologistes et botanistes tirent la sonnette d'alarme : les espèces animales s'éteignent, les plantes sauvages disparaissent. Mais le rythme s'accélère. Et, pour conserver une biodiversité riche et belle, il faut davantage que des réserves naturelles ou des lois généreuses. Environ 1.600 pandas vivent encore en pleine nature en Chine et leur nourriture, les bambous, se raréfie. Reuters " Alouette, gentille alouette… Alouette, je te plumerai ". Nos petits-enfants fredonneront-ils encore la chansonnette populaire du XIXe siècle? Il y a peu de chance. Au rythme où vont les choses, le petit passereau, autrefois symbole des campagnes verdoyantes, aura bientôt rejoint le panthéon des espèces éteintes ou, à tout le moins, la liste des espèces rares. Aux Pays-bas, le volatile a perdu 90 % de ses effectifs en vingt ans. Chez nous, en attente des résultats définitifs de récents recensements, Aves, une association qui regroupe des centaines d'ornithologues, affiche son pessimisme. " On peut craindre une perte de 50 % des populations, pronostique Jean-Paul Jacob, directeur du département d'études Aves-Natagora. Les campagnes les plus hospitalières n'abritent plus, aujourd'hui, que 10 à 20 couples d'alouettes par kilomètre carré, ce qui est très peu par rapport à 1990. " Simple déprime passagère d'un oiseau plus fragile? Non, manifestement. Bruants, pipits, coucous, gobe-mouches, traquets, perdrix: toutes les espèces de nos milieux ouverts - cultures, prairies, bocages - sont en net déclin depuis une quinzaine d'années. Il n'y a quasiment plus une seule perdrix dans toute la moitié sud-est de la Wallonie. Ailleurs, à raison de 4 à 5 couples par kilomètre carré, les scores du gallinacé dodu sont devenus ridicules, au grand dam - aussi ! - des chasseurs, déjà bien en peine de lever le moindre lièvre dans les mêmes zones de cultures. " On sait depuis longtemps que certains milieux sont très pauvres en avifaune, commente Jacob, dépité. Mais, ce qui est neuf, c'est que des champs de 50 hectares n'abritent plus, aujourd'hui, un seul oiseau nicheur! Ailleurs, il arrive qu'on ne compte plus que 5 ou 6 espèces par kilomètre carré (NDLR : la Belgique abrite environ 200 espèces nicheuses). " Et l'ornithologue, fin connaisseur de l'Afrique du Nord, de lancer une comparaison édifiante : " On en est là : il y a, désormais, davantage d'espèces d'oiseaux dans les steppes tunisiennes qu'en Hesbaye. " Les insectes forment le plus grand nombre d'espèces vivantes connues (soit 751.000 sur un total de 1.413.000 espèces). Si, au moins, le constat était propre aux oiseaux ! Réunis en avril dernier à Louvain-la-Neuve (1), une large palette de biologistes réputés au sud du pays n'ont pas caché leur inquiétude générale. A la fin de cette année, l'atlas herpétologique de Wallonie (NDLR : il recense minutieusement les amphibiens et les reptiles sur 1 200 parcelles de 16 kilomètres carrés) officialisera la disparition, probablement définitive, de trois espèces bien mal en point depuis longtemps. Parmi elles, la rainette arboricole, une charmante petite grenouille vert vif, dont le chant résonnait autrefois dans les nuits estivales. Désolant, car ces trois espèces représentent à peu près 15 % des amphibiens et des reptiles répertoriés chez nous. A deux ou trois exceptions près, toutes sont en déclin prononcé. Les chauves-souris, elles, ne sont guère mieux loties : seule la pipistrelle - la plus petite et la plus commune des mammifères ailés de nos régions - n'a pas à s'inquiéter pour son avenir.

Mais il y a plus préoccupant. Lorsqu'une espèce fait la Une de l'actualité (2), c'est, en fait, tout un écosystème, caché derrière elle, qui encaisse de plein fouet : la " biodiversité silencieuse ", selon l'expression de Pierre Devillers, chef de la section biologie de la conservation à l'Institut royal des sciences naturelles (IRSNB). Ainsi l'abeille domestique, victime d'un mal étrange depuis cinq ans dans plusieurs pays européens, n'est-elle que l'indicatrice d'un mal plus profond et moins visible, qui lamine des centaines d'espèces d'insectes, mellifères ou non. Deux chiffres: parmi les 360 espèces de bourdons et d'abeilles sauvages butinant aux quatre coins du Vieux Continent, 90 sont actuellement au bord de l'extinction. " La nature est aux soins intensifs, résume Philippe Lebrun, professeur au département d'écologie et de biogéographie de l'UCL. Il serait dommage qu'elle passe, d'ici peu, aux soins palliatifs. "

Aux yeux du profane, la gravité d'un tel constat pourrait paraître étonnante. Après tout, en hiver, il faut vraiment avoir les yeux en poche pour ne pas apercevoir, le long de la Meuse ou de l'Ourthe, les vols incessants de cormorans, ces énormes oiseaux aquatiques encore rares dans nos régions il y a quinze ans à peine. Comme les hérons, ces gloutons sont tellement abondants, aujourd'hui, que les pêcheurs ne supportent plus leur concurrence et réclament à cor et à cri des mesures de réduction des effectifs. Autre nouvelle encourageante : les rapaces, longtemps décimés par les pièges et les pesticides organochlorés, opèrent un lent retour dans nos campagnes. On observe même la nidification des - rarissimes - faucons pèlerins sur les tours de refroidissement des centrales électriques. L'année dernière, l'un d'eux s'est installé dans le clocher de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule, à Bruxelles. Impensable, il y a dix ans à peine! Avec le retour spectaculaire de la cigogne noire dans les forêts ardennaises et l'arrivée du splendide guêpier méditerranéen dans nos contrées, de telles " retrouvailles " (naturelles ou favorisées par l'homme) ne sont-elles pas de nature à mettre du baume au cœur du naturaliste le plus pessimiste ? De nombreuses espèces de tortues font également l'objet de programmes de protection. " En matière de biodiversité, il y a régulièrement de bonnes nouvelles, répond Catherine Hallet, coordinatrice de l'Etat de l'environnement wallon. Le saumon atlantique, par exemple, pourrait se réinstaller en Wallonie du fait que les conditions de son retour sont aujourd'hui présentes : la qualité de l'eau s'améliore partout en Europe, les obstacles à sa migration aux écluses sont presque levés et les rempoissonnements d'alevins donnent des résultats encourageants. De même, si la cigogne noire niche à nouveau dans nos régions, c'est grâce aux progrès réalisés dans la gestion des forêts feuillues : exploitées d'une façon plus réfléchie, elles se diversifient et deviennent plus hospitalières pour de telles espèces. De plus, la création des réserves naturelles et les limitations de la destruction de la faune, dès les années 1960 et 1970, ont démontré d'une façon éclatante leur utilité : la protection des aires de reproduction de certains oiseaux piscivores (consommateurs de poissons) a permis à ceux-ci de regagner progressivement leurs effectifs d'autrefois dans les marais et les étangs".

Mais voilà : cette amélioration est parfois trompeuse. Elle concerne des espèces en nombre limité ou surmédiatisées. Elles ne traduisent en rien un renversement radical des tendances à l'origine des pertes de biodiversité. " Les espèces qui se portent le mieux ont des exigences écologiques moyennes, explique Jean-Paul Jacob (Aves-Natagora). Dès qu'elles sont plus " spécialisées ", elles restent tributaires des pressions exercées sur les milieux naturels et ne parviennent plus à surmonter les obstacles à leur survie. " Et d'ajouter, plus sombre : " Les naturalistes auraient tort de s'assoupir : les pressions plus classiques sur la faune subsistent, quoi qu'on en pense." Des exemples ? En France, notamment, les milans royaux, des rapaces charognards, véritables éboueurs des campagnes, souffrent de plus en plus des produits anticoagulants utilisés en agriculture dans la lutte contre les rongeurs. Mort lente assurée ! Chez nous, après quarante ans de protection légale, certains chasseurs commencent à réclamer la réouverture du tir de certains rapaces. Autres évolutions troublantes : dans la forêt de Soignes, au bord de Bruxelles, de nombreuses espèces d'oiseaux sont en diminution constante. Pourquoi ? Mystère… La pression du trafic et le bruit n'expliquent peut-être pas tout. Quant aux braconniers, malgré une incontestable régulation, ils comptent encore leurs adeptes indécrottables: un notaire de Florennes et son garde-chasse n'ont-ils pas été condamnés par la justice, en janvier dernier, pour avoir abattu et piégé, avec une patiente méticulosité, des centaines de rapaces et de petits carnivores ? " A terme, on peut craindre le scénario suivant, explique Pierre Devillers (IRSNB) : chaque fois qu'une espèce retrouvera une population d'une taille raisonnable et conforme à son niveau d'il y a vingt ou trente ans, certains groupements ne s'en accommoderont plus. Sinon au prix d'une exigence de compensations économiques…"

Philippe Lamotte (1) Organisé par la chaire Tractebel-environnement, le collogue était intitulé : Quel avenir pour la biodiversité en Wallonie ? (2) Que n'a-t-on pas alarmé le public, depuis un an, sur la raréfaction du moineau domestique, alors que son déclin - net - est surtout visible dans les villes!