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Città Verde: et si on parlait du fond...?

Par L'informateur • Trop de nuisances dans nos vies • Dimanche 14/02/2010 • 0 commentaires • Version imprimable

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Communiqué de presse
Namur, le 14 février 2010

 Inter-Environnment Wallonie déplore les déclarations lapidaires et l’absence de débat argumenté dans les commentaires autour de la décision du Ministre Henry

 

Le refus de Philippe Henry, Ministre wallon en charge de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de la Mobilité, d’octroyer le permis pour la construction du complexe Città Verde à Farciennes suscite depuis mercredi un flot de réactions unilatérales fustigeant la décision ministérielle.

La Fédération Inter-Environnement Wallonie, qui avait introduit un recours contre ce projet, se réjouit au contraire d’un acte politique qui a l’intelligence d’aller au-delà d’une analyse à court terme et de la facilité d’un effet d’annonce positif. Inter-Environnement Wallonie regrette vivement que la polémique qui enfle depuis quelques jours privilégie les déclarations lapidaires, les procès d’intentions et les sous-entendus pernicieux en négligeant totalement les arguments de fond.

 

Embrayant sur les propos du promoteur du projet qui avait évoqué une collusion entre le cabinet Henry et notre Fédération - « Le seul recours qui tenait encore envers Città Verde était celui de l’ASBL Inter-Environnement. Et quand on sait que beaucoup de membres du cabinet de Philippe Henry en sont issus, il faut se poser la question du conflit d’intérêts ! »(1) -, le Ministre fédéral Paul Magnette déclare dans une interview donnée à « La Libre Belgique » de ce samedi 13 : «  (…) Je déplore cette proximité systématique entre Inter-Environnement et le cabinet de Philippe Henry. Le recours vient d’Inter-Environnement, les arguments contre le projet sont identiques, la décision est à peine prise que le communiqué d’Inter-Environnement tombe : c’est un peu gros comme ficelle… »

 

Inter-Environnement Wallonie confirme que des membres du cabinet Henry ont travaillé pour elle dans le passé avant de poursuivre leur carrière dans d’autres structures, transitant par syndicat, centre d’étude politique ou administration avant d’intégrer l’équipe ministérielle. La Fédération considère d’ailleurs que cette situation constitue une reconnaissance de la qualité de ses experts et de son travail. Elle tient toutefois a rappeler à M. Magnette – qui le sait parfaitement – et préciser à tous ceux qui l’ignoreraient que ces « transferts » n’ont rien d’exceptionnel et s’opèrent dans tous les cabinets, sur toutes les thématiques : les politiques vont chercher les compétences là où elles se trouvent, quoi de plus normal… Au Nord comme au Sud, on trouve ainsi des spécialistes en environnement issu du milieu associatif dans des cabinets de toutes couleurs politiques… en ce compris parmi le personnel au service du Ministre Magnette.

La pratique apparaît d’autant moins condamnable qu’en matière environnementale, le lobbying n’a d’autre objectif que la défense de l’intérêt collectif, ce qui est aussi – ou devrait en tout cas être – le moteur de l’action politique.

 

Par ailleurs, qui peut croire qu’une décision de l’importance de celle déchaînant aujourd’hui les passions carolorégiennes se prend par une seule personne ou un groupe d’apparatchicks motivé(s) par une vision idéologique et doctrinaire ? Elle se fonde au contraire sur des analyses et avis indépendants (sauf à considérer que l’ensemble de l’administration wallonne est noyautée par des « Khmers verts » formés par Inter-Environnement…) qui prennent en compte l’ensemble des enjeux du projet… et que la Fédération ne partage pas toujours. Elle a ainsi dénoncé ce qui était le premier acte ministériel de Philippe Henry, à savoir la ré-ouverture de la décharge de Tenneville.

 

La Fédération Inter-Environnement Wallonie estime que s’il ne lui appartient pas d’argumenter la décision d’un Ministre, il convient toutefois de rappeler qu’en vertu de l’article 1er du CWATUP, Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine qui précise les critères de délivrance d’un permis d’urbanisme, les projets éligibles doivent rencontrer « de manière durable les besoins sociaux, économiques, patrimoniaux et environnementaux de la collectivité par la gestion qualitative du cadre de vie, par l’utilisation parcimonieuse du sol et de ses ressources et par la conservation et le développement du patrimoine naturel et paysager ».

 

Pour Inter-Environnement Wallonie, si Città Verde marque de réelles avancées par rapport à la première mouture du projet présenté sous le nom de Citadella et refusé par André Antoine, prédécesseur de Philippe Henry, en février 2008, il n’en reste pas moins que ce projet ne répond pas aux conditions édictées par le CWATUP. Un des éléments majeurs motivant le refus de 2008, à savoir « l’impact important de l’augmentation de trafic générée par le projet », garde ainsi toute sa pertinence. Et c’est loin d’être un enjeu mineur alors que la lutte contre les gaz à effet de serre s’imposera de plus en plus comme un objectif politique prioritaire.

 

Sur les plans économique et social, on peut légitimement s’interroger quant à l’impact positif qu’un complexe de 66 enseignes commerciales dédiée à 60% au confort de la maison est censé avoir sur la commune la plus pauvre de Wallonie… On doute que la population précarisée de la région trouve un surcroît de qualité de vie dans cette caverne d’Ali Baba dont l’accès lui restera interdit faute de sésame financier.

 

En matière d’emploi, les études menées démontrent que la création de postes générée par Città Verde se fera plus ou moins partiellement au détriment de la destruction de postes existants aujourd’hui. Les estimations quant au solde net divergent mais se situent bien en deçà des 750 à 1.500 emplois nouveaux annoncés par les défenseurs du projet, les projections les plus pessimistes tablant même sur un résultat nul. Et cela ne nous dit encore rien de l’adéquation des demandeurs d’emplois de Farciennes et environs avec le(s) profil(s) qui seront recherchés.

 

Rien ne garantit par ailleurs que les espaces proposés trouveront preneurs… La clientèle et le pouvoir d’achat n’étant pas extensible, le centre commercial pourrait se muer à terme en un espace déserté, un chancre laissé en semi abandon où la désintégration sociale et l’insécurité trouveront un terrain fertile à leur épanouissement.  Et si ce pire est évité, c’est dans un centre-ville vidé de ses commerces que ces chancres et leurs nuisances risquent de proliférer.

 

Pour la Fédération Inter-Environnement Wallonie, le projet Città Verde n’était pas acceptable parce qu’il ne répondait pas aux conditions essentielles du développement durable, lequel n’est pas un concept destiné à faire joli dans les discours et les programmes politiques mais un véritable enjeu sociétal qui impose de dépasser une vision à (très) court terme. La décision du Ministre Henry intègre pleinement cette dimension, à l’inverse des réactions outrées de celles et ceux dont l’horizon s’arrête aux 200 millions d’investissements annoncés. L’aveuglement et la fuite en avant ont pourtant déjà montré leurs impasses lors de la crise industrielle wallonne au cours de laquelle l’incapacité des décideurs à changer de paradigme a conduit la Région droit dans le mur. De ce point de vue, l’ « amateurisme » fustigé par les accusateurs de Philippe Henry n’est pas nécessairement là où ils le dénoncent…

 


 

(1) Réaction de Robert Marlier dans « La Meuse » du vendredi 12 février 2010.