Un article de CHRISTOPHE SCHOUNE à lire sur lesoir.be L'UCL a mis au point la reproduction artificielle de parasites. Un nouveau sillon pour les cultures bio. Le résultat de près de dix ans de recherches. Regardez, c'est Alien, sauf que la taille de la victime est différente ! L'oeil rivé sur une boîte en plastique translucide, le chercheur Vincent Cambier commente les « meurtres » en série qui se déroulent sous nos yeux. Dans le réceptacle, une noria de pucerons est prise au piège de l'« Aphidius colemani ». Bien connue des biologistes et des horticulteurs, cette microguêpe de deux millimètres est un redoutable prédateur pour le puceron qu'elle dévore de l'intérieur après y avoir pondu sa larve. Sept jours plus tard, vidé de sa substance vitale, le puceron sera momifié sur sa feuille avant que le « parasitoïde » n'éclose de son cocon pour se reproduire sur un autre ravageur... Commercialisé depuis plusieurs années pour les cultures sous serre (poivrons, concombres, aubergines...), ce moyen de lutte biologique réduit l'usage d'insecticides en ayant recours à un prédateur naturel. Mais il reste très onéreux et limité. D'où, l'espoir de pouvoir baisser ses coûts de production et d'étendre l'usage intensif de cette microguêpe, inoffensive pour l'homme, aux cultures de plein air, voire dans les jardins domestiques où les pucerons taquinent les rosiers. C'est chose faite grâce aux travaux de l'équipe du professeur Thierry Hance de l'unité d'écologie de l'Université catholique de Louvain (UCL) : En horticulture, cela revient à près de 2 centimes et demi d'euro (1 FB) par parasite, note Vincent Cambier. C'est supportable pour les horticulteurs parce que les marges bénéficiaires sont grandes dans ce secteur. Mais c'est impayable pour les cultures en champs, si l'on sait qu'il faut minimum 20.000 individus par hectare (NDLR : 500 euros). Or, un agriculteur dépense en moyenne 25 euros en insecticides par hectare. Il faut donc produire ces larves à grande échelle... La réussite de l'unité d'écologie de l'UCL est double à ce niveau, puisque les chercheurs belges sont parvenus à mettre au point des méthodes de reproduction semi-artificielle et artificielle des microguêpes susceptibles de veiller sur les cultures de blé, de betteraves ou de pomme de terre. Dans le cas de la reproduction semi-artificielle, il a fallu mettre au point une solution nutritive pour les pucerons à base de vitamines, de sels minéraux, d'acides aminés et de sucres, commente Vincent Cambier. C'est un équilibre extrêmement complexe. Testé sur des cultures de blé, le parasite a porté ses fruits, si l'on ose dire, puisque les céréales ont mûri sans souffrir des attaques des pucerons. L'avantage du procédé, c'est qu'il peut s'appliquer aux différents types de parasites, souligne Vincent Cambier en lorgnant vers une boîte où 2.000 pucerons se font dévorer vivants. Nous en avons testé six au total. Si la solution nutritive demeure secrète et difficilement brevetable, l'UCL a par contre introduit la demande d'un brevet international pour sa deuxième innovation, qui porte sur la création d'un milieu artificiel où les larves des parasites se reproduisent sans la présence du moindre puceron ! Un joli tour de force : Nous avons créé un leurre de deux millimètres à base de biopolymères extraits de poudres de crustacés et d'algues, explique Thierry Hance, directeur de la recherche. Ce parasite, qui n'a que quelques neurones, a une image incomplète des pucerons. Si bien qu'il confond le puceron avec cette cellule artificielle. Et si on renforce les stimuli, comme l'odeur, auxquels le parasite est sensible, il va même préférer se reproduire sur la capsule en présence de pucerons ! En phase de commercialisation au plan européen, les procédés seront produits par la nouvelle société Viridaxis (la Voie verte), administrée par Vincent Cambier, qui émane de ces recherches. Elle jettera ses bases à Gilly, où elle sera opérationnelle dès janvier 2005. Si nous touchons 1 % du marché, ce sera suffisant pour assurer notre croissance...