Mots-clés : Aménagement du territoire, Inter-Environnement Wallonie, Région wallonne
Adopté le 17 juillet 2008, le décret DAR détermine une liste de projets dont la réalisation relèverait de « motifs impérieux d’intérêt général ». Outre la procédure administrative de délivrance classique des permis, ceux-ci feront en plus l’objet d’une ratification parlementaire qui empêche de facto tout recours devant le Conseil d’Etat. La ratification étant matérialisée dans un acte législatif, c’est désormais la Cour constitutionnelle qui est compétente et son champ d’intervention est bien différent. Son outillage et son expertise en matière d’aménagement du territoire et d’environnement ne sont pas du tout les mêmes. Plus fondamentalement, c’est bien la séparation des pouvoirs qui est mise à mal, le Parlement – le pouvoir législatif – étant impliqué dans une procédure pourtant purement administrative – l’apanage du pouvoir exécutif. Plus d’une dizaine de recours en annulation ont été introduits contre ce texte dont un par la Fédération qui sollicite l’annulation des dispositions générales du décret. Fin mars 2010, la Cour constitutionnelle rendait un arrêt qui renvoyait la balle à la Cour de justice de l’Union Européenne en posant des questions préjudicielles à cette dernière. L’on pourrait se dire « rien d’important » et bien que nenni...
Ces recours, s’ils aboutissent, pourraient conduire à l’annulation du DAR avec une insécurité juridique sur chacun des permis adoptés et ratifiés conformément au décret. Les nombreuses incertitudes juridiques présentes autour de ce texte ont été à nouveau soulevées lors des débats en commission parlementaire au sujet de la quatrième écluse de Lanaye.
Ce projet est expressément repris dans l’exposé des motifs du DAR et dans une décision européenne du 29 avril 2004 sur le réseau transeuropéen [1] sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport. Alors qu’au sein des différents partis, il semble y avoir consensus quant à l’opportunité de réaliser le projet de la 4ème écluse de Lanaye, il reste la question de savoir s’il convenait ou non de « dariser » (selon l’expression utilisée en commission) ou non son permis. Dans les deux cas, des incertitudes semblent demeurer...
Pour certains membres de la commission, le décret DAR pourrait être annulé par la Cour constitutionnelle et, en conséquence, il convenait de délivrer le permis selon la procédure classique (sans ratification). Dans cette hypothèse, le Gouvernement courrait le risque d’une violation de procédure dès lors que l’écluse de Lanaye figure dans les projets mentionnés dans le DAR. Vu que l’écluse est reprise dans le décret, d’autres membres de la commission estimaient qu’il convenait de procéder à la ratification parlementaire. Dans cette hypothèse, l’incertitude résultait de ce qu’il adviendrait en cas d’annulation du DAR.
Dans ce contexte, pourquoi ne pas attendre sagement la décision de la Cour de justice et de la Cour constitutionnelle ? Car ces décisions risquent encore de se faire attendre et surtout car l’écluse de Lanaye fait l’objet d’un financement européen dont la Région pourrait être privée si les travaux n’étaient pas mis en œuvre prochainement. Or, période de crise ou pas, les fonds sont toujours les bienvenus. Alors, pour un projet qui fait consensus au niveau politique depuis plus de 20 ans, la question ne se pose presque pas.
Finalement, le Ministre Philippe Henry a tranché la question en procédant à la ratification parlementaire du permis qu’il avait délivré sur recours le 12 mai dernier. Il est probable que cette décision soit difficile à digérer pour le Ministre dont le parti n’a pas manqué de tirer à boulet rouge sur ce pamphlet législatif quand Ecolo était dans l’opposition. Néanmoins, avait-il réellement d’autres solutions dès lors, qu’en dépit des recours, le décret du 17 juillet 2008 est en vigueur et que la 4ème écluse de Lanaye est reprise dans le décret ? Poser la question c’est probablement y répondre... en insérant un dernier article dans le cadre d’un décret programme fleuve à la veille des vacances parlementaires.
[1] Décision n°884/2004/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifiant la Décision n° 1692/96/CE