Source : Carnets d'eau - Carnets du Diplo
Une coalition d'organisations impliquées dans la défense et la promotion du droit humain à l'eau organisent le 10 décembre prochain à 12h30 à Bruxelles une manifestation citoyenne devant le Parlement européen. Elles dénoncent le fait que les forces sociales dominantes des pays les plus puissants et influents du monde ont réussi à empêcher les organes compétents des Nations Unies de reconnaître l'accès à l'eau comme un droit humain (universel, indivisible et irréversible), à l'occasion de la célébration du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (1948-2008).
Table des matières
L'initiative de cette manifestation a été prise conjointement par l'association belge EurAcme [1], en raison de sa proximité avec les institutions européennes, et le nouveau réseau AquAttac, créé à l'université d'été des mouvements Attac européens à Sarrebrûck à l'été 2008. Ils appellent toutes celles et ceux qui dans les différentes organisations et associations conduisent la même bataille en faveur des droits humains et sociaux et des biens et services communs publics à soutenir cette initiative.
« En mars dernier, le Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU a renoncé à cette reconnaissance se contentant de nommer un nouveau rapporteur spécial sur le droit à l'eau (encore un !) censé soumettre un nouveau rapport dans trois ans.
C'est inacceptable. Il s'agit d'une violence portée à l'intégralité des droits humains et à l'universalité du droit à la vie. Ce faisant, la communauté internationale a trahi ses responsabilités et alimente l'idée que l'inégalité entre les êtres humains devant le droit est irréversible. Elle donne ainsi son aval à l'injustice sociale.
La manière par laquelle les décisions en la matière ont été prises au sein de comités technocratiques de l'ONU et ailleurs, à l'insu des populations, est aussi inacceptable. La « démocratie » internationale a brillé par son inexistence. Pire encore : tandis que l'ONU refusait de reconnaître le droit humain à l'eau, ce même mois de mars 2008 elle a accordé officiellement , dans le cadre du Global Compact (l'alliance entre les Nations Unies et la société civile, en particulier les grandes entreprises multinationales privées), « le mandat de l'eau » (appelé « The CEO Water Mandate ») à un groupe de dirigeants de grandes entreprises multinationales fortes utilisatrices d'eau (telles que Coca-Cola, Nestlé, Levi- Strauss…), en vue de préparer un projet pour un « Plan Mondial pour l'Eau ».
Visant à proposer les actions à prendre face à la « crise mondiale de l'eau », ce plan sera, en principe, présenté, en liaison avec le 3e Rapport du World Water Assessment Programme (WWAP) de l'Unesco, au 5e Forum Mondial de l'Eau (mars 2009, Istanbul). Or, le Forum Mondial de l'Eau est organisé par une institution privée, le Conseil Mondial de l'Eau, créée avec le soutien des grandes multinationales privées de l'eau et de la Banque mondiale. Le président actuel du Conseil Mondial de l'Eau est le président de la Société des Eaux de Marseille, filiale conjointe à 48,5% respectivement des deux premières entreprises mondiales privées de l'eau, Veolia et Suez...
C'est inacceptable, enfin, que les agences des Nations Unies considèrent que le destinataire « naturel » de leur travail et de leurs propositions en matière d'eau soit un forum dominé par les grands groupes industriels, technologiques, commerciaux et financiers de l'eau. Pourquoi le système ONU-EAU (regroupant les 22 agences des Nations Unies impliquées dans les divers domaines de l'eau) n'a-t-il pas pris la responsabilité de devenir le lieu public mondial, intergouvernemental et civil, où la politique mondiale de l'eau soit ouvertement discutée et définie, au lieu de déléguer cette responsabilité à une institution privée, notoirement soumise à l'influence des intérêts des grands groupes multinationaux privés ?
Il convient, à l'opposé, de saluer avec vigueur l'amendement au Rapport Miller approuvé en mars 2003 par le Parlement européen par lequel il est affirmé que l'accès à l'eau est un droit humain et que les services hydriques ne doivent pas être soumis aux règles du marché intérieur européen (à savoir, libéralisation et déréglementation). De même, les organisations engagées en faveur des droits humains et civils et les mouvements actifs pour l'eau comme bien commun ont fortement apprécié la résolution adoptée par le Parlement européen le 16 mars 2006 reconnaissant le droit humain à l'eau. Signalons que, présentée au 4e Forum Mondial de l'Eau de 2006 au Mexique, la résolution du Parlement européen a été scandaleusement ignorée par les responsables du Conseil Mondial de l'Eau. Il est inadmissible qu'une organisation privée traite de telle manière une position formelle prise par les représentants élus de près de 500 millions de citoyens !
Au nom de l'Union européenne, la Commission européenne participera formellement, elle aussi, au 5e Forum Mondial de l'Eau de 2009. Or, on sait qu'il n'est aucunement dans les intentions des organisateurs du Forum de procéder à la reconnaissance du droit humain à l'eau, comme vient de le faire, au contraire, le 14 septembre, de manière nette et claire, l'EXPO 2008 par sa Charte de Saragosse.
Selon les organisateurs du 5e Forum, la « crise mondiale de l'eau », aggravée par les changements climatiques en cours et à venir, implique que l'urgence et la priorité ne sont pas aux déclarations mais à l'action.
Au plan mondial, le mandat du « CEO Water » devrait constituer l'axe fondamental d'un partenariat public/privé (PPP) pour la gestion des ressources hydriques. Et ce malgré le fait que ces vingt dernières années le PPP ait montré qu'il s'agit avant tout d'un Plan de Privatisation pour le Profit.
A la lumière des faits ci-dessus, il est indispensable et urgent de s'adresser au Parlement européen par une manifestation publique devant son siège à Bruxelles en visant deux objectifs principaux :
- Premier objectif : demander au Parlement européen d'exposer aux citoyens les actions qu'il entend entreprendre, avant la fin de la législature, pour concrétiser les principes affirmés dans sa résolution de mars 2006 en matière de droit à l'eau et sur le caractère public des services hydriques. Il faut ajouter à l'échelle européenne et mondiale les stratégies d'adaptation face aux changements climatiques.La ressource EAU montre que l'enjeu mondial des prochaines décennies est basé sur la sauvegarde de la vie pour l'ensemble de l'humanité et des espèces vivantes dans une approche intergénérationnelle et planétaire.
A cet égard, la manifestation visera à demander au Parlement européen qu'il s'engage dans une direction qui dépasse le cadre de référence actuel orienté sur les « grandes » solutions technologiques (dessalement de l'eau de mer généralisé, grands barrages…), la finance privée et les instruments fondés sur le marché.
- Deuxième objectif : demander au Parlement européen qu'il conditionne la participation officielle de la Commission européenne au 5e Forum Mondial de l'Eau de 2009 (à Istanbul) à la proposition de déclaration en faveur du droit humain à l'eau et à l'affirmation de principe du transfert du Forum Mondial de l'Eau sous la responsabilité publique de l'ONU - EAU. »Programme de la manifestation
- 11h00 à 12h00Une délégation sera reçue par Luisa Morgantini, vice-Présidente du Parlement Européen en charge des droits humains.
Elle sera composée de :
- Bernard Tirtiaux (écrivain)
- Raul Uriarte (Promotion Bolivie Kawari)
- Asmae Youlal (Green)
- Marie Marthe Asengo (Forum interrégional des femmes congolaises)
- Myriam Gérard (secrétaire régionale de la CSC Bruxelles)
- Martin Pigeon (Corporate Europe Observatory et réseau européen de l'eau)
- André Abreu (directeur du développement France-Libertés)
- Riccardo Petrella (président IERPE)
- Lê Quang Kim (EURACME)
- Un délégué de la CGSP (Gilbert Lieben ou Laurent Pirnay)
- 12h00 : Ouverture en Fanfare - Belgistan
- 12h30 : Temps de parole
- Pietro Pizzuti (auteur, comédien, metteur en scène)
- Riccardo Petrella : rappel des raisons de la manifestation
- Témoignages du Sud
- Inès Santos représentante Bolivienne : rappel de la lutte à Cochambaba et la reconnaissance du droit à l'eau dans la constitution Bolivienne
- Marie Marthe Asengo (Forum interrégional des femmes congolaises) : Afrique et droit à l'eau
- Syndicats et réseaux internationaux
- Intervention de Myriam Gérard entre les luttes pour le droit au travail et le droit à l'eau. avec un message de soutien de la Confédération Internationale des Syndicats
- Délégué CGSP Laurent Pirnay ou Gilbert Lieben : liens entre service public et le respect des droits humains
- André Abreu France-Libertés
- Olivier Hoedeman de Corporate Europe Observatory, réseau européen de l'eau et contre-sommet au Forum mondial Istanbul
- Gilles Lemaire ATTAC France ou Jean-Luc Touly ACME France
- 13h00 : Bulle artistique coordonnée par Bernard TirtiauxLecture de témoignages du sud par des comédiens
- 13h10 : Interventions d'organisations Nord Sud défendant les droits humains
- Pierre Galand (Président du Centre d'Action Laïque)
- Jacques Debatty Président du CNCD
- Représentant d'0xfam Solidarité
- Marc Despiegelaere Protos
- Jean-Denis Lejeune Objectif ô
- Conclusions de Riccardo Petrella
[1] L'association européenne pour un contrat mondial de l'eau (http://www.euracme.eu/index.php?lng=fr" class="spip_out">Euracme), est une association sans but lucratif de droit belge constituée en octobre 2008.
Euracme, 35 rue Elewyk, 1050 Bruxelles.